Efficacité, tolérance, bénéfices/risques : face au défaut d'information et d'accompagnement ressenti lors d'une prescription de médicament biosimilaire, les associations de patients appellent de leurs vœux une décision médicale pleinement partagée avec les praticiens, ce qui est loin d'être le cas.
À l'occasion d'un colloque organisé par le think tank en santé « Nile », à Paris, plusieurs associations de malades ont énuméré les problématiques relatives à la prescription des biosimilaires, ces médicaments issus du vivant dont l'efficacité et les effets indésirables sont cliniquement équivalents à ceux du produit biologique de référence, et qui couvrent des domaines thérapeutiques majeurs – notamment oncologie, diabétologie, gastro-entérologie, hématologie et rhumatologie.
Démocratie sanitaire bafouée
Premier constat : le consentement, pilier de la démocratie sanitaire, n'est pas toujours respecté. « Des malades changent d'hôpital où ils sont suivis car l'équipe médicale leur prescrit des biosimilaires alors que le patient refuse », illustre Alain Olympie, directeur de l'association François Aupetit (AFA).
À cela s'ajoute le manque de transparence lors du processus d'interchangeabilité (acte consistant, à l’initiative du prescripteur, à remplacer le médicament biologique par un autre similaire), dénoncent les associations de lutte antirhumatismale (AFLAR) et de défense contre l'arthrite rhumatoïde (ANDAR). « Des patients sont sous biosimilaire sans le savoir et crient au scandale ! La confiance envers le professionnel de santé s'effondre, explique Sonia Tropé, directrice de l'ANDAR. Cela impacte l'observance ». Même si l'interchangeabilité peut avoir lieu à tout moment au cours du traitement, elle doit être « raisonnée et tenir compte de l’intérêt du patient », rappelle l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Surtout, trois conditions doivent être respectées : recueillir l'accord du patient informé ; assurer une surveillance clinique appropriée lors du traitement ; et assurer une traçabilité sur les produits concernés (le produit prescrit doit être inscrit dans le dossier patient).
Former les praticiens
Selon les patients experts, plusieurs facteurs expliquent ce défaut de pédagogie et de transparence : d'une part le manque de formation des praticiens à la décision médicale partagée, d'autre part le flou entourant la marche à suivre pour prescrire. « Il y a une méconnaissance des lois et les médecins ne mesurent pas qu'ils ont une responsabilité d'informer, souligne Sonia Tropé. Il faut changer les pratiques ».
D'autant que l'enjeu de l'observance est immense. Deux études* dans le domaine de la rhumatologie montrent l'importance d'une bonne communication thérapeutique. Interrogés sur leur perception des biosimilaires, 97 % des patients jugent nécessaire d'avoir accès à une information claire, 91 % considèrent qu'elle est utile à l'adhésion au traitement et 88 % à l'observance. Mais côté praticiens, seuls 60 % de ceux pratiquant l'interchangeabilité disent demander l'accord explicite du patient.
Pour améliorer le dialogue, le Dr Jean-David Cohen, rhumatologue au CHU de Montpellier, propose de mieux former ses pairs à la décision médicale partagée. « Ça s'apprend ! Il faut être dans l'empathie, laisser du temps au patient de s'exprimer, bien choisir son vocabulaire », détaille-t-il.
Les associations, regroupées dans le think tank « Biosimilaires », ont formulé une dizaine de propositions. Elles réclament que la décision médicale partagée soit systématique en consultation et au moment de l'interchangeabilité. Elles proposent de rédiger une charte de qualité avec les services hospitaliers et praticiens concernés (ainsi que des fiches d'information sur la thématique). Enfin, elles plaident pour que d'autres professionnels de santé (pharmaciens, infirmiers) soient mis dans la boucle et puissent guider les patients dans l'usage des biosimilaires. A ce jour, la substitution par le pharmacien n'est pas possible en l'absence de décret d'application.
* Étude « Information et perception des patients au sujet des médicaments biosimilaires en rhumatologie » effectuée par l'ANDAR et le CERBER auprès de 629 patients en cours de publication. Étude Brio « Biosimilaires en rhumatologie : information et opinions des rhumatologues hospitaliers français » réalisée par l'ANDAR et le CERBER auprès de 70 praticiens et publiée en 2017.
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