Le président de la Caisse autonome de retraite des médecins de France
(CARMF) fustige le futur système universel détaillé par Édouard Philippe, qualifié de projet « collectiviste ». Le Dr Thierry Lardenois annonce la disparition de la CARMF, redoute l'impact négatif de la réforme des retraites sur les pensions des médecins et réclame un audit indépendant ! Entretien exclusif.
LE QUOTIDIEN : Édouard Philippe a enfin détaillé le projet de réforme des retraites. Vos craintes sont-elles levées ?
Dr THIERRY LARDENOIS : Pas du tout ! Le Premier ministre est resté sur ses principes de départ. Il n'y a jamais eu de discussion ou de négociation. Le projet a été construit pour passer en force sur le périmètre à trois plafonds de la Sécurité sociale (120 000 euros de revenus annuels, NDLR), alors que nous avons toujours soutenu une réforme constructive permettant à tous les Français de partir à la retraite dignement jusqu’à un plafond de la Sécurité sociale, soit 40 000 euros.
Avec ce périmètre large à 120 000 euros, la CARMF – comme les autres caisses autonomes – va disparaître. Elle sera la victime expiatoire des errements des gouvernements successifs, y compris le gouvernement actuel, dans la gestion des régimes spéciaux et des fonctionnaires. Comme ils sont incapables de les gérer, ils amènent tout le monde à la catastrophe.
La CARMF insiste sur l'impact très négatif de cette réforme sur les pensions des médecins. Maintenez-vous cette analyse ?
Non seulement je la maintiens mais je peux aussi affirmer que l'actuaire du haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye, a rencontré notre actuaire. Ils sont tombés sur les mêmes chiffres de baisse de pension pour des parcours similaires ! Les médecins qui ont des revenus ne dépassant pas un plafond de la Sécurité sociale (40 000 euros) perdront de 30 % à 33 %. À deux PASS, les pensions connaîtront une baisse de l'ordre de 28 % et à trois PASS, de 23 à 24 % environ. Dites-moi où est la solidarité, où est la redistribution là-dedans ! Dans le système universel, les jeunes confrères aux revenus plus faibles auront une perte plus importante que ceux aux revenus plus élevés.
Mais les projections du haut-commissaire sont moins alarmistes. Vos calculs ont-il intégré le mécanisme de compensation pour les libéraux qui consistera à réduire l'assiette sociale (CSG, cotisations vieillesse) ?
Les simulations du haut-commissaire présentées aux syndicats sont véritablement hallucinantes car elles ne sont pas fondées sur les bons paramètres (évolution du point, rendement...). À en croire le ministère, la baisse de pension ne serait que de 8 %... pour des médecins qui commencent à travailler à 25 ans et cotisent pendant 43 ans. Cela porte leur âge de départ à 68 ans !
Je le redis : en comparant les calculs avec les cotisations actuelles et ceux du régime universel, même avec changement d'assiette, nous subissons toujours cette baisse de 30 % des pensions. C'est pourquoi, face à ce désaccord majeur, la CARMF a réclamé un audit indépendant sur la situation de notre retraite avant et après la réforme. Cela a d'ailleurs mis le représentant de la Direction de la Sécurité sociale dans une colère noire. Au final, on nous propose un marché de dupes. On nous promet de baisser la CSG mais qui vous dit que le taux de la CSG ne changera pas dans les prochaines années ?
Vous ne croyez pas à la période de transition de 15 ans pour favoriser la convergence des cotisations ?
Quand on veut appliquer une réforme impopulaire, dangereuse ou mal ficelée, on promet qu'elle ne touchera que la prochaine génération. Cette période transitoire n'a aucun intérêt, on veut faire passer la pilule auprès des médecins qui auront une partie de leur retraite calculée avec le système actuel et une autre partie avec le futur système, ceux qui ont un pied dans la réforme et l'autre en dehors.
Édouard Philippe jure qu'il n'y aura pas de « hold-up » sur vos réserves. Est-ce que la CARMF a obtenu des garanties sur ce sujet ?
Non, nous n'avons aucune garantie. Aujourd'hui, la CARMF dispose de 7 milliards d'euros de réserves. Nous allons d'abord devoir prélever 2,4 milliards pour payer les droits acquis des médecins. Pour le solde restant, soit 4,6 milliards, qui va gérer les réserves ? Pas la CARMF en tout cas puisqu'elle va disparaître le lendemain de l'adoption de la réforme ! Elle sera mise en liquidation et ne pourra plus rien gérer. Tout est déjà programmé, orchestré. Rappelez-vous. Si on n'avait pas crié au loup, le recouvrement des cotisations aurait déjà été directement transféré aux URSSAF.
Nous sommes face à une réforme politique, écrite dans les ministères depuis longtemps. C'est un projet collectiviste avec une caisse unique gérée par l'État. Nous deviendrons le seul pays socialiste d'Europe avec un régime unique de retraite. À chaque fois que l’État s’occupe de nos affaires, il le fait plus mal pour deux fois plus cher.
Appelez-vous à la mobilisation des médecins contre la réforme ?
La CARMF n'a pas un rôle politique. Ma mission est de fournir aux médecins et aux syndicats des informations précises de la situation, en passant si c'est nécessaire par un audit indépendant sur l'état de la caisse, placements compris. Mais à titre personnel, je soutiendrai tout appel à la mobilisation des syndicats médicaux contre la réforme.
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