Je me souviens de la joie de mon patron (M. Roy-Camille) quand je lui annonçais que moi, son externe, j’étais nommé à l’internat, il avait immédiatement convoqué tout le service et sorti du champagne…
Je me souviens de ma première garde de « chef » aux prises avec deux gros polytraumatisés…
Je me souviens de tous « mes » internes que nous faisions opérer systématiquement, et de la solidarité et de l’amitié qui régnait entre nous…
Je me souviens de la salle de garde, de ses rites, de ses rigolades, des tonus, des excès parfois, internes, chefs, agrégés et patrons, tous mêlés et tous fraternels…
Je me souviens des fresques des salles de garde qui à l’époque n’offensaient personne, et je n’ai jamais eu vent du moindre abus sexuel dans notre corporation…
Je me souviens du respect que manifestait l’administration hospitalière vis-à-vis du corps médical et en particulier des internes des hôpitaux.
Je me souviens de notre enthousiasme, de notre joie, de notre solidarité, du compagnonnage des aînés…
Je me souviens de l’implication de nos « patrons » quant à notre avenir professionnel qu’il soit hospitalo-universitaire public ou dans le privé…
Suis-je un ancêtre cacochyme et gâteux ? Je n’ai que 66 ans et je n’ai pris ma retraite (soulagé) que depuis 3 mois…
Comment en si peu de temps tout a-t-il pu changer à ce point ? Comment les médecins ont-ils pu se laisser déposséder de tout pouvoir ? Comment avons-nous pu laisser des scribouillards vaniteux, incompétents et corrompus tuer notre médecine ? Pourquoi les universitaires ont accepté la destruction des études médicales et, de renoncements en renoncements, accepté la fin de ce qui était le fleuron de l’excellence française : le concours de l’internat des hôpitaux universitaires ? Comment ont-ils pu ? Comment ai-je pu ? Par facilité, pour certains, par indifférence pour d’autres, par individualisme pour tous, par intérêt à court terme pour beaucoup…
Le pire dans tout cela c’est le changement de mentalité, nous ne sommes plus que très peu de vieux dinosaures à avoir connu la « belle époque », les jeunes seront formatés autrement, l’individualisme prévaudra, la mixité sociale aura disparu dans les facultés de médecine, seuls compteront les plans de carrière, l’intérêt, et les honneurs factices. La médecine hospitalière publique sera de type soviétique se moquant bien des patients et des soignants avec quelques apparatchiks triomphants et veules, de jeunes médecins ou autres soignants continueront à se suicider. La médecine hospitalière privée est aux mains de groupes financiers pour qui seul compte le profit immédiat. L’exception française qu’était notre médecine est morte !
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