Le quotidien des lecteurs

Pouvoir d’achat des médecins retraités en chute libre ?

Publié le 04/10/2012
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Les Molières (91)

Dr Jean Hvostoff

Je viens de recevoir de la Caisse autonome de retraite des médecins de France un courrier m’annonçant qu’à partir du 3ème trimestre 2012, le montant de l’allocation trimestrielle nette sera diminué de 609,69 euros (soit 2 438,76 euros par an, égal à presque un mois de retraite !). Cette perte pécuniaire importante est due au décret du 25 novembre 2011 qui abaisse la valeur du point de l’allocation supplémentaire vieillesse (ASV) de 15,55 euros à 13 euros à compter du 1er juillet 2012.

L’ASV fait partie d’un contrat, signé entre l’État, le médecin libéral conventionné et la CNAM, qui s’engage à assurer une allocation supplémentaire vieillesse décente au médecin libéral qui respecte les tarifs édictés par la Sécurité sociale. Il faut quand même que les politiques et les syndicats prennent conscience que le médecin libéral conventionné en secteur I, s’il veut vivre dans une aisance minimum par rapport à son travail et ses études, en appliquant les tarifs de la Sécurité sociale se trouve dans la quasi-impossibilité de prendre une complémentaire vieillesse privée.

Le gouvernement en place décida de rompre unilatéralement ce contrat en abaissant la valeur du point, en raison de son incapacité à engendrer des recettes pour renflouer la Sécurité sociale. Le chômage augmentant, les usines fermant, l’exonération des charges sociales, qu’il distribue selon son humeur, atteignant 30 milliards en 2010 (et combien en 2011 ?), il voulut montrer sa détermination à lutter contre le déficit de la Sécurité sociale en décrétant autoritairement faire des économies sur la retraite des médecins. Le médecin libéral conventionné en secteur I n’est-il pas par principe riche aux dépens de la Sécurité sociale, ne l’a-t-on pas désigné depuis longtemps comme responsable du déficit de la Sécurité sociale, ne prescrit-il pas trop de médicaments, trop d’arrêt de travail, pas assez de générique, etc. Les syndicats médicaux bougonnèrent pour la forme, mais se rangèrent à l’avis du gouvernement (certains présidents n’avaient-ils pas reçu la Légion d’Honneur, me semble-t-il ?), et le décret fut signé.

Les médecins libéraux conventionnés retraités sont délibérément abandonnés par les syndicats médicaux. Le médecin retraité n’est plus considéré comme un médecin à part entière, il est hors circuit, alors… pourquoi batailler, s’épuiser pour lui assurer une retraite décente ?

L’État n’a actuellement pas jugé nécessaire de réduire les avantages fiscaux et sociaux des retraités, malgré les conseils de la Cour des Comptes. Heureusement, car les syndicats médicaux nous auraient-ils défendus réellement ou auraient-ils validé notre « mise à mort » ? À la retraite depuis peu de temps, je suis activement la politique de la santé ; la Cour des Comptes se focalise actuellement sur les avantages sociaux des médecins libéraux conventionnés, et je me pose la question : les syndicats médicaux agiront-ils avec les médecins libéraux actifs comme avec les retraités : « beaucoup de belles paroles mais peu d’action ».

Chers confrères libéraux et actifs, les syndicats médicaux consentent depuis plusieurs années à une politique de pseudo étatisation de la médecine (médecine sous le contrôle total de la Sécurité sociale pour les soins, avec conservation du libéralisme pour les impôts) voulue par les différents gouvernements. Vous pouvez agir pour conserver votre indépendance, ne vous faites pas avoir comme les retraités !

La triste fin des Laboratoires d’Eugène-Éric

Strasbourg (67)

Dr Alain Wurtz

(Note de l’auteur : lire ce fabliau à haute voix)

Les Laboratoires Laure-Hijinale et Duprin-Seps étaient confrontés à un nouveau venu : les laboratoires d’Eugène-Éric, moins chers.

En riposte, les labos Laure-Hijinal et Duprin-Seps montèrent chacun parallèlement un labo low cost : les labos Fosse-Barbe et Kopik-Omphorm, où ils s’étaient entendus pour fabriquer chacun les médicaments de l’autre, ou même leurs propres produits.

Après quelques mois, les actionnaires étaient les mêmes pour les cinq labos.

On harcela les médecins pour qu’ils prescrivent les produits les moins chers : prescrire en DCI les associations longues de trente lettres par exemple, et même leurs honoraire y furent subordonnés.

Un jour, Monsieur Lemieux-Cortiquet, un ministre venu d’ailleurs, décida que la caisse de Sécurité sociale ne rembourserait plus que le produit le moins cher, quel que soit le choix du médecin et du patient. La différence était à la charge du patient s’il souhaitait le produit Laure-Hijinal ou Duprin-Seps.

Les patients s’orientèrent alors vers la moindre dépense, le plus souvent.

Six semaines après l’arrivée de Lemieux-Cortiquet au Ministère, Laure-Hijinal et Duprin-Seps ne vendaient presque plus rien.

Deux mois plus tard, ils s’alignaient sur Eugène-Éric

Trois mois plus tard, ils supprimaient Fosse-Barbe et Kopik-Omphorm, devenus insensés.

Six mois plus tard, les labos Eugène-Éric faisaient faillite.

Grâce au stratagème du ministre Lemieux-Cortiquet, des milliards d’euros furent économisés.

Les moyens d’honorer une consultation dignement aux alentours de 50 euros furent ainsi dégagés ; le secteur II fut ainsi rendu inutile.

Mais tout ça n’est hélas qu’une fable : où trouver un ministre avec un nom aussi saugrenu ???

Erreur ou intox ?

Paris (75)

Dr G. W.

Après une entrée fracassante du directeur de la CPAM contre le « secteur à honoraires désormais plus libres », la séduction constituée par la prise en charge d’une partie des cotisations sociales des médecins est à mettre en perspective avec la position des « sages » de la Cour des comptes : il faut réduire la prise en charges des cotisations sociales des médecins de secteur I… Cherchez l’erreur, ou l’intox !

Secteur II, fausse polémique et vrais problèmes

Lyon (69)

Dr Marc Jouffroy

Les attaques des caisses contre le secteur II, largement encouragées par Madame Touraine, ont commencé juste avant les élections et sont purement politiques. Comme toutes les attaques contre les médecins depuis trente ans, elles sont destinées à cacher des vérités fâcheuses dont la responsabilité incombe aux politiques.

Encore une fois, on veut cacher que les honoraires médicaux n’ont plus rien à voir avec les réalités économiques.

Historiquement, nos prédécesseurs ont signé la première convention en acceptant des revalorisations négociées périodiquement, alors qu’elles auraient dû être indexées sur l’indice du coût de la vie, les négociations tarifaires ne concernant alors que de nouveaux actes ou des nouvelles disciplines.

À défaut, le médecin français gagne le tiers de ses confrères allemands ou anglais, et l’hospitalisation privée, dont le système de santé ne peut pas se passer, ne fonctionne que grâce aux dépassements d’honoraires ; le secteur public, lui, se vautre dans le déficit, mais avec des tarifs en secteur I…

Pire que cela, si Madame Touraine arrive à ses fins, une discipline médicale comme la sexologie, que je pratique, dont l’Organisation Mondiale de la Santé reconnaît le caractère indispensable, va disparaître en pratique libérale.

En effet, une consultation de sexologie dure en moyenne une heure, comme le confirment plusieurs études de A. Giami (INSERM) et ne peut pas exister avec une consultation à 23 euros… Facile, me direz-vous, il y a la CCAM ! Sauf que le Syndicat national des médecins sexologues a débuté il y a 10 ans des négociations pour la tarification de 10 actes propres à la discipline  : elles n’ont jamais abouti…

Pire, le seul acte que nous pourrions parfois emprunter aux urologues  : l’injection de drogues vaso-actives dans la verge, a bien un code mais il est tarifé 0 euro. Des jeunes confrères sexologues installés en secteur I ont dévissé leur plaque, d’autres se sont retrouvés confinés au secteur III  : est-ce cela que l’on appelle favoriser l’accès aux soins ? La définition purement comptable des dépassements telle que l’emploient les caisses est peut-être applicable à des actes comparables entre eux, cotés en K par exemple, mais est absurde et stérilisante dans le cas d’actes plus intellectuels que techniques. Quant à nos confrères, syndiqués ou non, qui crachent sur le secteur II, lequel d’entre eux n’a pas regretté de passer une heure avec un patient dont l’état le nécessitait, et de n’être payé qu’un C ? En les dressant contre le secteur II, on nous a divisés pour mieux régner…

Pour ma part, je suis prêt à mettre un taximètre sur mon bureau sur la base de 23 euros les 15 minutes, durée moyenne d’une consultation de médecine générale, qui est ma base de calcul à défaut de mieux. Cela fait trente ans que les politiques et les caisses prétendent gérer la santé en partenariat avec les médecins, et prouvent le contraire avec constance.

Les usagers, j’en suis aussi, en constatent les résultats désastreux tous les jours sur la qualité des soins.

J’adore mon métier, comme nous tous, et je me suis battu pour le faire, mais les politiciens m’en ont dégoûté et je partirai à la retraite sans un regard en arrière, sauf pour mes patients…


Source : Le Quotidien du Médecin: 9169