« JE VOUS LE DIS, les médecins ne seront pas les payeurs, assurait Xavier Bertrand sur France 5 dimanche dernier. Voilà c’est très clair, c’est très clair. » Le projet de loi présenté mercredi en Conseil des ministres, sans être limpide, est assez clair lui aussi. Le contraire y est inscrit entre les lignes : les médecins pourront être amenés à régler une partie de la note.
Que prévoit le texte ? La mise en place, après l’été, d’un dispositif d’indemnisation pour les personnes exposées au benfluorex. Seuls les laboratoires Servier seront mis en cause de manière automatique et systématique. Les médecins n’auront pas la garantie d’être épargnés pour autant, puisque la victime et Servier pourront appeler d’autres « acteurs de santé » dans la cause. Là réside toute l’ambiguïté du texte : le ministère de la Santé, qui s’engage à ne pas poursuivre les médecins, indique qu’il n’est pas en mesure de s’opposer à ce que les victimes et les laboratoires recherchent la responsabilité des médecins.
Le projet de loi fixe le déroulement de la procédure. Un collège d’experts établira les responsabilités de chacun. À charge pour les personnes reconnues responsables de faire une offre de réparation intégrale dans un délai de trois mois. En cas de refus, ou d’offre insuffisante, l’ONIAM se substituera au(x) responsable(s), et indemnisera la victime. L’ONIAM pourra ensuite se retourner contre Servier ou le prescripteur, afin de récupérer les sommes versées assorties d’une pénalité à vocation dissuasive (pouvant aller jusqu’à 30 % de l’indemnisation).
Des montants pour l’heure inconnus.
Combien pour une HTAp ? Et pour une atteinte valvulaire ? Le barème de l’ONIAM sera appliqué, mais à ce stade, personne ne s’avance à estimer le montant de l’indemnisation des préjudices. Par le biais du fonds (qui n’empêche pas d’autres poursuites, devant la justice), les gros prescripteurs de Mediator doivent-ils s’attendre à mettre la main à la poche ? Le scénario, a priori peu probable, n’est pas à exclure complètement. Un article du projet de loi présenté mercredi matin limite l’offre d’indemnisation, pour les assureurs, aux « plafonds de garantie des contrats d’assurance ». Soit 3 millions d’euros par sinistre pour les médecins libéraux, qui, depuis 2002, ont l’obligation de s’assurer. Et 10 millions d’euros par année d’assurance – pour le minimum réglementaire. A noter que la plupart des assureurs proposent des plafonds plus élevés. Au-delà de ces plafonds, ce sera aux médecins d’assumer les frais sur leurs deniers personnels. Les médecins hospitaliers qui ont prescrit du Mediator, ou qui ont renouvelé une ordonnance, seront quant à eux couverts par l’assurance de leur établissement.
Les réactions ne se sont pas fait attendre après le Conseil des ministres. Sans se prononcer sur le fond, Nicolas Gombault, le directeur du Sou médical, confirme que « le recours contre les médecins n’est pas exclu par le texte ». L’assureur note que « le projet, tel qu’il est rédigé, est contraire aux affirmations de Xavier Bertrand rapportées par la presse depuis plusieurs jours ». Le président de MG-France, le Dr Claude Leicher, appelle le corps médical à préparer la riposte. « Il n’est pas acceptable qu’un médecin voie sa responsabilité recherchée avant celle des Agences et de l’État, dit-il. Ce n’est pas parce qu’une revue comme "Prescrire" publie une information juste qu’on doit considérer que les médecins sont correctement informés. » Le syndicat de généralistes lance un appel à tous les médecins. « Tous ceux qui détiennent des témoignages sur le rôle des visiteurs médicaux et des éléments prouvant qu’ils ont reçu une information biaisée sur le Mediator doivent envoyer ces éléments au siège du syndicat, précise le Dr Leicher. La défense collective va l’emporter sur la défense individuelle. La tromperie a été générale depuis 1976, les médecins doivent sortir de ce sentiment diffus de culpabilité. »
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