LE QUOTIDIEN : En tant que directeur général de Sanofi France, quels objectifs vous êtes-vous fixés ?
MARC-ANTOINE LUCCHINI : L’un de mes premiers objectifs est de retrouver l’équilibre et la croissance. Nous venons de passer plus de quatre années en assez forte décroissance. Elle est liée à un marché en récession, et à l’expiration de brevets majeurs. Si le groupe est parvenu en 2013 à sortir de cette phase de décroissance, en France nous n’y sommes pas encore. On peut espérer y arriver au dernier trimestre.
Le deuxième objectif est de nous développer au-delà de l’activité purement « médicament ». Sanofi avance vers une vision à 360 degrés de la gestion du patient. Exemple : le diabète. Au-delà de nos insulines ou de nos traitements oraux, nous avons des outils qui permettent d’accompagner le patient diabétique, des applications grâce auxquelles les malades se suivent et peuvent "interfacer" avec leur médecin. Notre vocation est d’être moins centrés sur le médicament, et de nous impliquer dans tout ce qui pourra faire que le patient soit plus observant, mieux traité, mieux suivi. Sur cette priorité, j’espère trouver un certain écho auprès de l’administration.
Avant de devenir DG de Sanofi France, vous êtes passé, également pour Sanofi, par les États-Unis, l’Égypte, l’Espagne et le Portugal. Comment percevez-vous le marché français à travers ce prisme étranger ?
Je suis frappé par certaines complexités inhérentes au système, à la multiplicité des agences régulatrices et des interlocuteurs. Cette situation est paradoxale dans un pays assez centralisé. Je relève également la lenteur des processus de décision. Nous sommes confrontés à de nombreux processus d’évaluations, et de réévaluations réglementaires, médicoscientifiques, médicoéconomiques.
Y a-t-il des facettes positives dans le système français ?
La couverture sociale et l’accès aux soins - pas de listes d’attente - sont la grande force de la France comparée à d’autre pays. À cet égard, le système français est encore assez privilégié. Mais cela ne veut pas dire que c’est un système très efficient. En dépit de son coût exponentiel ces dernières années, le système de santé français n’est plus champion du monde, il a été rétrogradé dans les classements de l’OMS. Il va falloir affronter les problèmes structurels et ne pas se contenter d’actions sur les prix qui sont la solution de facilité.
Les industriels dénoncent le dernier programme d’économies pour l’assurance-maladie d’ici à 2017 au motif que c’est principalement le médicament qui est mis à contribution. Qu’en pense-t-on chez Sanofi ?
Nous sommes entièrement alignés avec le LEEM [syndicat patronal de l’industrie pharmaceutique] qui demande au gouvernement d’engager de manière urgente des discussions autour de la juste contribution du médicament dans ce plan. Il est évident qu’il y a des économies à faire, ailleurs que sur le médicament.
Pour la 3e année consécutive, plus de 50 % des économies vont être faites sur son dos. Il y a les 3,5 milliards d’euros annoncés, mais si vous ajoutez la maîtrise médicalisée et le volet sur les achats hospitaliers, qui impacte également le médicament, on arrive en définitive à 5 milliards d’euros ! Le sentiment qui domine est celui du ras-le-bol. On ne peut plus accepter ces mesures conjoncturelles qui évitent de s’attaquer aux problèmes structurels. Nous pourrions apporter une valeur ajoutée sur l’efficience.
En France, le générique peine à atteindre le niveau de développement qu’il connaît dans d’autres pays.
Quelle est votre analyse sur cette spécificité hexagonale ?
Ce n’est pas une spécificité hexagonale. En France, les taux de pénétration des génériques sont d’environ 77 %. Or, dans les pays comparables au nôtre, avec un système d’incitation au générique en pharmacie, les taux de substitution sont de 85 %. Ce n’est pas si différent.
Tout dépend du répertoire !
Oui, il y a bien sûr la question du périmètre du répertoire. Mais si on ajoutait le paracétamol, et l’aspirine, le répertoire serait certes plus large mais n’entraînerait pas d’économies. Cela serait très bien pour les indicateurs car le pourcentage augmenterait artificiellement, mais cela ne réglerait pas le problème.
Quelle est votre position sur l’éventualité de créer des génériques au paracétamol ?
Le générique a une valeur ajoutée s’il permet des économies. Or développer le générique du paracétamol ne va pas générer d’économies. D’autant qu’une baisse de prix est programmée. Il y a aussi un risque pour l’emploi et la production en France. Pour ce qui concerne Sanofi, le Doliprane est produit en France dans nos usines de Lisieux et de Compiègne. Il faut préserver cet outil industriel français et travailler sur des gains de productivité possibles. Une autre réflexion serait de développer une automédication maîtrisée et responsable pour les antalgiques de niveau 1 sur des pathologies bénignes et de courte durée. Nous sommes prêts à en discuter.
Le développement du générique et la poursuite de l’innovation thérapeutique sont-ils compatibles ?
Oui, et Sanofi en est un exemple dans la mesure où nous sommes un acteur majeur du marché du générique avec notre marque Zentiva, tout en poursuivant une politique d’innovation. Sanofi dispose d’un tissu industriel très développé qui, avec plus de 110 usines dans le monde et 26 en France, fabrique à la fois des produits d’innovation et des génériques.
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