LE CIRCUIT du médicament entre les laboratoires pharmaceutiques et les 22 514 pharmaciens d’officine était, jusqu’il y a peu, essentiellement assuré par les grossistes répartiteurs. Un secteur d’activité très concentré puisque seules quelques entreprises se partagent le marché, comme Phoenix Pharma, Alliance Healthcare France, OCP, et le réseau CERP.
Mais depuis 1999, lorsque les pharmaciens ont obtenu le droit de substitution, les laboratoires ont commencé à s’adresser directement aux officinaux, devenus eux-mêmes prescripteurs. Résultat : en dix ans, 16 % du total des ventes de médicaments aux pharmaciens ont échappé à ces grossistes répartiteurs, et sont aujourd’hui directement négociés entre les laboratoires et les pharmaciens. Désormais, les grossistes répartiteurs ne distribuent plus que 65 % des médicaments vendus en France, car aux 16 % de médicaments vendus directement par les laboratoires aux officinaux, s’ajoutent près de 20 % de médicaments que ces mêmes labos vendent en direct aux hôpitaux. « Nous n’avons rien contre les ventes directes, indique prudemment Yves Kerouédan, président de la CSRP (Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique), mais l’État nous demande toujours plus pendant que nos marges diminuent ».
Car la donne a aussi changé en ce qui concerne les marges des grossistes. La volonté des gouvernements successifs d’endiguer les déficits des comptes sociaux les a amenés à faire pression sur le marché du médicament : baisses de prix, montée en puissance des génériques, baisse des marges de distribution, nouvelles taxes, toutes ces dispositions ont évidemment pesé sur les comptes des grossistes. Depuis 2008, leur marge se décompose en quatre paliers dégressifs, qui vont de 9,93 % pour un produit dont le prix est compris entre 0 et 22,90 euros, jusqu’à 0 % pour la part du prix d’un produit au-delà de 400 euros. Mais ils s’acquittent également de taxes et paient une contribution pour la sécurité sociale qui s’élève à 1,9 % de leur chiffre d’affaires, et une autre ponction de 2,25 %, calculée sur le différentiel entre le chiffre d’affaire de l’année et celui de l’année précédente.
Obligations de service public.
Ce contexte économique et fiscal fait réagir Yves Kerouédan : « Nous ne gagnons presque rien sur les médicaments les plus chers, alors qu’ils nécessitent une logistique toute particulière, comme le respect de la chaîne du froid, explique-t-il au « Quotidien », si bien que nos marges sont de plus en plus réduites ». La CSRP souhaiterait que soit instauré un nouveau système de rémunération, « constitué non pas d’une marge dégressive, mais d’un forfait par boîte, avec un complément pour les produits fragiles et spécifiques », précise Yves Kerouédan. « Nous ne demandons pas plus que ce que nous avons aujourd’hui, mais une répartition plus harmonieuse ». Le président de la CSRP observe que les baisses de prix de médicaments prévues par le prochain PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) « vont encore peser » sur les résultats.
Certes, les grossistes répartiteurs n’ont pas attendu l’arrivée d’un nouveau système de rémunération pour réagir. Ils fournissent des services ciblés mieux adaptés, semble-t-il, aux attentes des pharmaciens. Ils ont également fait baisser le coût de la répartition, qui est passé en dix ans de 4,2 à 2,4 % du prix public des médicaments. Ils ont par ailleurs des obligations de service public, comme celle de mettre à la disposition de l’officinal au moins 90 % des médicaments existant sur le marché en moins de 24 heures. Et ils sont tenus d’avoir un stock permettant de satisfaire au moins deux semaines de consommation. Depuis la menace de pandémie grippale, il leur est enfin demandé de stocker des produits adaptés au risque, comme les masques ou les médicaments antiviraux. « Nous sommes une profession presque invisible mais indispensable », argumente Yves Kerouédan.
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