LE QUOTIDIEN : Craignez-vous un projet de financement de la Sécurité sociale 2019 (PLFSS) très contraint pour le médicament ?
PHILIPPE TCHENG : Nous ne connaissons pas encore la teneur du budget de financement de la Sécurité sociale. Ce qui nous importe est qu’une partie des engagements pris lors du conseil stratégique des industries de santé (CSIS) soit immédiatement traduite dans ce budget ! En matière de régulation des dépenses de médicament, il est prévu d'instaurer un plancher de croissance minimale pour les trois prochaines années. Le montant de l'enveloppe des médicaments remboursables ne doit pas descendre en dessous de +0,5 % du chiffre d'affaires global. L'autre engagement concerne l'enveloppe pour les médicaments innovants (+3 %). Ce sont des signaux forts et des lignes rouges. Notre secteur a connu des années de décroissance, ce qui a fragilisé nos entreprises. Nous serons aussi attentifs aux autres modalités de régulation comme la promotion des génériques, celle des biosimilaires, la maîtrise médicalisée ou l'ouverture de ATU aux nouvelles indications.
Mais redoutez-vous des baisses de prix des médicaments ?
Justement, nous attendons la lettre d'orientation que doit recevoir le président du comité économique des produits de santé (CEPS). Le CSIS a insufflé une nouvelle approche dans cette régulation. Au lieu de fixer un montant de baisses de prix, il est prévu d’abord d'analyser s’il y a des dépassements dans les enveloppes de dépenses dédiées aux médicaments.
Il ne faut faire ni catastrophisme ni angélisme. Nous n'avons pas de signaux d'alerte pour affirmer que les engagements ne seront pas tenus. Au contraire, il y a des signes encourageants : Matignon a installé un comité officiel de suivi du CSIS pour rendre compte des avancées.
La réduction des délais d’autorisation de mise sur le marché (AMM) à 180 jours ou la réforme de l'évaluation des médicaments vers un indicateur unique sont prévus. Y a-t-il un calendrier ?
La réduction des délais de mise sur le marché est urgente. L'engagement est de revenir en dessous des 180 jours d'ici à 2022. Cela implique une efficience accrue dans le processus administratif entre l'AMM et la publication du taux de remboursement et du prix.
Concernant la réforme de l'évaluation des médicaments vers un indicateur unique, la valeur thérapeutique relative (VTR), cela doit faire l'objet d'un travail collaboratif qui a déjà commencé et doit aboutir avant avril 2019. Le chantier est important. Par exemple, il faut voir comment le CEPS va fixer les prix avec un indicateur unique, en incluant également les innovations dites conventionnelles. .
L'industrie du médicament souffre d'une mauvaise image. Comment allez-vous l'améliorer ?
Changer l'image des industriels du médicament est l'une de mes priorités. Mais c'est un travail de fond avec l'ensemble des acteurs du système de santé – médecins, pharmaciens, paramédicaux, patients. Le LEEM a lancé le LAB « médicament et société » qui permet d'avoir un dialogue constant avec ces acteurs.
La transparence et l'éthique sont les deux valeurs qui me tiennent à cœur. Pour cela, l'organisation a créé le comité de déontovigilance – le CODEEM. Cette instance indépendante fait des recommandations pour les entreprises du médicament. Tout cela permettra de faire évoluer la perception des entreprises du médicament.
L'homéopathie divise la communauté médicale. Quelle est votre position ?
Elle est claire. Tous les produits de santé doivent suivre exactement le même processus d'évaluation au niveau de la Haute autorité de santé. La ministre de la Santé lui a demandé ce travail pour les médicaments homéopathiques. Je serai attentif aux résultats comme vous le savez.
Je suis cardiologue de formation, des progrès gigantesques ont été faits dans notre profession en 30 ans. Les stents ont révolutionné la prise en charge des pathologies coronariennes ; les statines ont permis de réduire la morbidité et la mortalité. En tant que président du LEEM, je n'interviendrai pas dans ce type de débat entre médecins.
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