POUR LA PREMIÈRE fois, la direction générale de la Santé de la Commission européenne publie un rapport qui propose une vue d’ensemble de la santé de l’homme dans l’Union européenne, la Norvège, l’Islande, la Suisse, le Lichtenstein, la Croatie et la Turquie. Dans une première partie, ce document de plus de 400 pages évoque les grandes étapes de la vie de l’homme du vieux continent (naissances, éducation, évolution professionnelle, mariages, divorces, paternité…), les modes de vie et facteurs de risque sanitaire (tabac, alcool, drogues illicites, activité physique, diététique, obésité, sexualité…) et les accès aux services de santé. Une seconde partie aborde la santé des hommes européens par pathologies.
Si, de par son vaste champ d’étude, ce travail offre une grande hétérogénéité de données recueillies sur la mortalité et la morbidité masculine, il met surtout en évidence la « forte spécificité de genre quant aux choix de mode de vie et aux comportements à risques », lesquels « exposent davantage l’homme que la femme au risque de mauvaise santé ». Le tout étant plus ou moins accentué selon le contexte environnemental, culturel et socio-économique des individus (d’une manière générale, les Français se situent dans la moyenne européenne).
En ce qui concerne les modes de vie, outre un tabagisme et une consommation d’alcool traditionnellement plus accentués chez les hommes que chez les femmes, la population masculine du vieux continent se distingue aussi par un régime alimentaire moins équilibré que les femmes. Bien que les hommes aient généralement un niveau d’activité physique supérieur à celui des femmes, la majorité de la population masculine européenne n’atteint pas les niveaux recommandés.
Dans l’Europe des 27, le taux de mortalité est plus élevé chez les hommes que chez les femmes toutes tranches d’âge confondues : +24 % chez les 0-14 ans, +236 % chez les 15-44 ans, +210 % chez les 45-64 ans et +50 % chez les plus de 65 ans. « Cette situation se retrouve dans la majeure partie des pathologies qui, pour des raisons biologiques, devraient toucher de la même manière les hommes et les femmes », souligne l’étude. Néanmoins la grande variabilité des données de morbidité et mortalité selon les pays et les populations masculines au sein des pays « démontre que la situation désavantageuse des hommes sur le plan de la santé n’est pas une fatalité biologique ». C’est d’abord l’affaire d’une prise de conscience individuelle.
Trop d’hospitalisations.
Les hommes se sentent généralement en meilleure santé que les femmes, mais ce ressenti ne reflète pas toujours la réalité. Selon l’étude, les hommes européens font moins état que les femmes de problèmes de santé (31 % contre 26 %), de prises de traitements (28 % contre 22 %), de douleurs chroniques (28 % contre 22 %) ou passagères (37 % contre 27 %). Parallèlement, le taux global d’admission à l’hôpital se révèle supérieur chez les hommes pour les maladies et problèmes de santé majeurs. A contrario, les hommes du vieux continent utilisent moins fréquemment les soins de premier recours, avec des différences de taux d’accès entre hommes et femmes qui varient de 5 % en République tchèque ou en Autriche à 18 % à Chypre ou en Grèce. « La consultation rare et tardive des services de santé conduit à des niveaux élevés de problèmes de santé potentiellement évitables chez les hommes, tout en réduisant les possibilités de traitement », constate l’étude.
Au niveau des soins de routine, par rapport aux femmes, les hommes font par exemple moins surveiller annuellement leurs dents (64 % contre 59 %) et leur vue (40 % contre 37 %) mais un peu plus leur audition (13 % contre 19 %). En matière de prévention de pathologies graves, si les hommes réalisent davantage de tests cardiaques (29 % contre 26 %), ils restent en retrait par rapport aux femmes dans les domaines des cancers (6 % contre 16 %), de la pression artérielle (55 % contre 62 %) ou du cholestérol (35 contre 39 %). Et les écarts peuvent être bien plus importants selon les pays.
Au final, si les jeunes adultes font peu état d’un mauvais état de santé (de 0,1 % des Irlandais à 2,4 % des Portugais), la situation est bien différente passé le cap des 55-64 ans où un peu plus de la moitié des hommes européens s’estiment en bonne santé (dont plus de 70 % en Islande, Suède, Irlande, Pays-Bas, Royaume-Uni, contre moins de 30 % en Pologne, Hongrie, Estonie, Lituanie et Lettonie).
Pour la Commission européenne, « ce rapport jette les bases d’une grande action sur et autour de la question émergente de la santé masculine ». Un plan d’action où seules des mesures ciblées selon les populations masculines permettront d’agir efficacement sur les taux élevés de morbidité et de mortalité prématurée évitables.
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