En trois décennies, la robotique a fait du chemin dans le secteur de la santé. Il serait exagéré de dire qu’elle s’est immiscée partout, mais il existe des domaines où sa présence est devenue difficile à ignorer.
Les robots en pointe dans la chirurgie
Le premier exemple, le plus évident, est celui de la chirurgie. C’est un marché immense : 3,2 milliards de dollars (environ 2,9 milliards d’euros) en 2015, 20 milliards (environ 17,9 milliards d’euros) d’ici à 2021, d’après le cabinet Wintergreen Research. Le leader du secteur, l’Américain Intuitive Surgical qui produit le fameux robot Da Vinci, représente à lui seul une capitalisation boursière de près de 19 milliards de dollars (environ 17 milliards d’euros).
Bien sûr, un tel succès ne manque pas d’attirer les controverses. « Robots-chirurgiens : halte à la supercherie ! », s’exclamait il y a un an dans une tribune publiée par « Le Monde » le Pr Abdel Rahmène Azzouzi, chef du service d’urologie du CHU d’Angers. Celui-ci n’a de cesse de dénoncer le coût élevé de ces machines, sans rapport d’après lui avec les bénéfices scientifiquement démontrés qu’elles apportent aux patients.
À l’opposé, un autre urologue de renom, le Pr Guy Vallancien, considère que les robots sont sur le point de changer la face de la médecine. « Nous sommes au début d’une mutation technologique magistrale dont peu de médecins comprennent jusqu’où elle ira, confiait-il récemment au « Quotidien ». Il y a de gros dangers pour certaines spécialités, comme la biologie, la radiologie ou la chirurgie, dont une grande partie va disparaître. »
Mais heureusement pour les chirurgiens, l’opinion du Pr Vallancien n’est pas entièrement partagée par les industriels qui fabriquent les robots chirurgicaux. « Il n’est absolument pas question de remplacer le chirurgien, mais de lui apporter une assistance afin de réduire l’aléa chirurgical », assure Bertin Nahum, PDG de Medtech, une entreprise française qui fabrique un robot de neurochirurgie nommé Rosa.
La logistique et l’intelligence artificielle
La chirurgie est d’ailleurs loin d’être le seul domaine de la santé dans lequel les robots ont pris position. Depuis les années 1970, on peut voir des navettes autonomes arpenter le sous-sol des hôpitaux pour assurer le transport du linge, du matériel, etc.. Ce que l’on faisait alors de manière automatique et avec des connexions filaires est en train de devenir plus complexe grâce à l’intelligence artificielle.
Pour ne citer qu’un exemple, l’hôpital de Glasgow, inauguré au printemps dernier, est équipé d’une flotte de robots intelligents qui attendent les ordres du personnel de santé dans des stations dédiées. Ces machines sont capables d’aller se recharger toutes seules, de détecter les obstacles, d’adapter leur vitesse en fonction de l’endroit où elles se trouvent… « Certaines personnes ont été un peu inquiètes en les voyant arriver, mais elles s’y habitueront avec le temps », assurait en avril dernier Jim Magee, qui a la charge de cette petite armada, dans les colonnes du « Daily Express ».
Et si les robots écossais n’entrent pas encore dans les services, leurs homologues de la côte ouest des États-Unis le font, sans peur d’effrayer les patients. Dans le centre médical de Mission Bay, qui dépend de l’Univeristy of California-San Francisco et qui a ouvert ses portes en février dernier, « Eve » et ses condisciples apportent les repas et les médicaments dans les chambres, et en retirent le linge sale. L’objectif est clair : libérer le personnel de tâches répétitives et sans valeur ajoutée, pour lui permettre de se concentrer sur le soin.
Le robot assistant, une solution au problème du vieillissement ?
Paradoxalement, le domaine de la santé dans lequel les robots reçoivent le plus d’attention est celui pour lequel ils sont le moins développés : celui de l’assistance. Les robots compagnons chatouillent les imaginaires imprégnés de science-fiction. Bien que leur diffusion reste encore embryonnaire, du moins en France, nombreux sont ceux qui comptent sur eux pour aider au maintien de l’autonomie des personnes âgées.
Mais le robot qui sera capable de rendre viable notre société vieillissante n’est pas encore né. Kompaï, par exemple, le robot d’assistance fabriqué par la société française Robosoft, est encore loin du stade de la mise sur le marché pour le grand public. « Nous faisons des prototypes dont le prix est de l’ordre de 20 000 euros, explique Vincent Dupourqué, le PDG de l’entreprise. Nous en avons fabriqué 30, qui sont utilisés dans des expérimentations ». Mais l’horizon est bien celui d’une diffusion à large échelle, chez les particuliers, ainsi que dans les institutions ou les EHPAD. « Le prix objectif d’ici 2 ans, c’est 5 000 euros, assure Vincent Dupourqué. C’est l’équivalent d’un lit d’hôpital. »
À quand le mariage entre robots et objets connectés ?
Alors, les robots-compagnons seront-ils aussi nombreux que les lits dans l’hôpital du futur ? Peut-être pas, mais il y a peu de chances que le secteur de la santé échappe à la robotisation. À en croire Serge Grygorowicz, le président de RB3D qui fabrique des « cobots » (robots collaboratifs) et des exosquelettes, les robots pourraient même devenir un prolongement des objets connectés qui sont en train de s’immiscer partout, du domicile du patient au cabinet de consultation.
« À 5 ou 10 ans, explique l’industriel, ce que je vois, c’est que nos objets connectés, qui sont dans le domaine de la collecte d’information et dont nous serons équipés pour notre santé, devront passer dans le monde physique. » Ils convergeront donc vers nos smartphones et nos montres, qui seront elles-mêmes en communication avec des robots.
À peine entrés dans la révolution des objets connectés, nous voilà donc bientôt dans celle de la robotique personnelle 3.0. À n’en pas douter, la relation entre le monde de la robotique et celui de la santé est faite pour durer.
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