Une analyse réalisée par nos confrères journalistes du Monde sur l’évolution entre 1980 et 2015 des données d’incidence des cancers a pointé des « hausses inattendues pour certains cancers ». Notamment une augmentation constante des cancers du sein chez les plus jeunes et l’augmentation surprenante du nombre de cancers du pancréas. Cette analyse, conçue à partir des données des agences sanitaires françaises, a-t-elle mis en lumière des données jusque-là méconnues ? Dans cet entretien accordé au Généraliste, l’hématologue angevin, le Pr Norbert Ifrah, nommé à la tête de l’INCa en juin dernier, n’est en rien surpris par ces résultats dont il pointe toutefois les faiblesses méthodologiques.
LE GÉNÉRALISTE Cette interprétation des chiffres d’incidence des cancers est-elle nouvelle pour l’Inca ?
Pr Norbert Ifrah. Ces résultats ne sont pas nouveaux. Le Monde a réalisé un exercice graphique avec des données issues d’enquêtes établies par les registres sur la demande de l’INCa et de Santé publique France. Ce sont des extractions à partir de données que nous finançons et soutenons et qui couvrent environ 20 % des cancers en France. Nous n’avons jamais exploité ces informations en les découpant par tranches d’âges. En effet, les registres ne fonctionnant pas dans les années 80 comme ils le font maintenant, les données de cette époque étaient moins fiables et moins étoffées. Or moins des données chiffrées sont quantitativement importantes moins l’intervalle de confiance est fiable. On court alors le risque de surinterpréter ces chiffres. Aujourd’hui, ces organisations fonctionnent sur des normes de haute qualité, grâce notamment au financement que l’INCa et Santé Publique France leur assurent. Ma principale critique est méthodologique.
Le cancer du sein toucherait ainsi des tranches d’âge de plus en plus jeunes. Comment l’expliquez-vous ?
Pr N. I. Les messages très clairs qui figurent dans les publications de l’INCa et de Santé publique France sont que l’incidence du cancer du sein diminue de manière très significative en France. Parmi les hypothèses qui expliquent ce phénomène figure celle de la baisse importante du nombre d’hormonothérapies substitutives de la ménopause. En effet, la diminution d’incidence du cancer mammaire est particulièrement nette dans la tranche d’âge des femmes ménopausées. Seule la classe d’âge des 30-39 ans échappe effectivement à cette baisse. Toute une série de facteurs de risque bien connus expliquent ce phénomène. Le premier étant l’âge retardé de la première grossesse. Cette évolution sociétale représente un risque de cancer du sein bien connu. L’obésité et la sédentarité sont aussi des phénomènes qui ont évolué ces dernières années de manière significative. De même pour le tabagisme. Par ailleurs, on identifie mieux et on dépiste spécifiquement les femmes à risque génétique de cancer du sein. On a ainsi identifié des tumeurs à des âges beaucoup plus précoces. Tous ces éléments contribuent mécaniquement à l’augmentation du nombre de cancers du sein chez les femmes jeunes. Et, probablement, l’incidence de ces cancers dans cette tranche d’âge augmentera dans les années qui viennent.
Confirmez-vous l’augmentation d’incidence du cancer du pancréas ?Quelles mesures comptez-vous prendre ?
Pr N. I. Clairement nous avons une incompréhension de ces données. À ce jour, seule la France constate une augmentation d’incidence des cancers du pancréas. Or, de manière générale, on observe des chiffres à peu près identiques pour tous les cancers dans tous les pays d’Europe et occidentaux. Pourquoi la France ferait-elle exception ? La seule explication raisonnable est que ces cancers étaient mal enregistrés au début. Du reste, l’augmentation est assez brutale et correspond à la période où l’on a décidé de soutenir les registres, leur permettant du coup de mieux travailler. Par ailleurs, le facteur de risque le plus puissant de cancer du pancréas, c’est le tabac. Or, clairement, le tabagisme ne recule pas en France. Nous avons lancé à l’INCa un programme intégré de recherche sur le cancer du pancréas que nous finançons avec la Ligue contre le cancer et la fondation Arc. C’est un des champs disciplinaires sur lequel on a le moins progressé. Or c’est aujourd’hui un cancer extrêmement agressif et difficile à traiter. Nous cherchons aujourd’hui à faire mieux.
L’environnement est pointé comme étant un facteur de risque important. Confirmezvous cette assertion ?
Pr N. I. Le Circ considère effectivement que la pollution est carcinogène mais il n’impute que 1 % des cancers à la pollution. En France, nous souffrons d’une surreprésentation du risque environnemental et d’une sous-représentation des risques évitables liés aux comportements. C’est pour cela que nous venons de lancer une campagne pour dire que 40 % des cancers sont évitables. Pour autant, nous exerçons une veille sur les menaces environnementales.
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