C’est un nouveau plaidoyer contre l’âgisme en santé, notamment en cancérologie. Jeudi dernier, alors que s’ouvrait le congrès annuel de la Société européenne d’oncologie médicale (Esmo), l’Académie nationale de Médecine a appelé à ne pas hésiter à proposer l'immunothérapie aux malades de plus de 70 ans – souvent considérés, du fait de leur âge, non éligibles à ce type de traitements.
« Les immunothérapies, appelées inhibiteurs de “check point”, ont bouleversé la cancérologie », rappelle l’Académie dans un communiqué. Et ce type de traitements est désormais utilisé contre une vingtaine de cancers différents, permettant d’induire des réponses de longue durée, « voire des rémissions complètes sur plusieurs années après arrêt de l’immunothérapie ».
Cependant, les sujets âgés atteints de cancer bénéficient encore trop peu de ce progrès. « Les traitements anticancéreux leur sont prescrits avec beaucoup de réserve, alors que plus de 50 % des patients d’oncologie ont 75 ans et plus », déplore l’Académie.
Une recherche encore insuffisante
À l’origine de cette méfiance : « l’a priori d’une moins bonne tolérance » ainsi que « la notion d’une efficacité moindre ». Des idées reçues certes fondées sur un rationnel physiopathologique – selon lequel l’immunosénescence pourrait à la fois compromettre la réponse à l’immunothérapie et induire trop de maladies auto-immunes – mais qui n'apparaissent en pratique pas si certaines. D’après l’Académie de médecine, en effet, l’efficacité et la toxicité des immunothérapies chez les sujets âgés restent encore « à étudier en fonction du type de cancer et, surtout, des modalités individuelles de vieillissement, qui sont très variables ».
De fait, plusieurs années après l’émergence de l’immunothérapie, les données relatives aux effets de ce type de traitements chez les malades âgés sont encore trop rares et les patients de plus de 70 ans demeurent sous-représentés dans les essais. En cause : les comorbidités des sujets âgés – incompatibles avec des critères d’inclusion très stricts – et la « crainte parfois excessive des investigateurs à inclure des personnes âgées », juge l’instance. Ainsi recommande-t-elle de « poursuivre et accentuer la recherche clinique et translationnelle sur l’immunothérapie du cancer chez les personnes âgées, en vue de leur permettre de bénéficier de traitements modernes les moins toxiques possibles, sans altérer leur qualité de vie ».
Évaluer le rapport bénéfice-risque au cas par cas
D'ores et déjà, l’Académie préconise de « traiter les patients de plus de 70 ans atteints de cancers chaque fois qu’il peut y avoir un bénéfice pour eux ». En d'autres termes, l'instance invite à ne pas interdire systématiquement l’immunothérapie aux malades âgés, mais à évaluer au cas par cas le rapport bénéfice-risque de ce genre de traitements. D’où la nécessité de « collaborer étroitement avec les onco-gériatres dans la décision thérapeutique et le suivi, en tenant compte de toutes les facettes de la personne âgée ».
Car même si les études cliniques conduites chez les plus de 70 ans manquent pour la plupart des cancers, des indices de l’efficacité et de la sécurité des immunothérapies dans cette population et contre certaines tumeurs commencent à se dégager. Et ce, notamment dans le traitement du mélanome, qui compte parmi « les premières tumeurs pour lesquelles l’immunothérapie a été utilisée [et qui] représente donc un bon modèle avec un recul d’utilisation de plus de 10 ans », avance l’Académie.
Comme le rapporte l’instance, cette année, une étude de vraie vie incluant des personnes âgées a confirmé « que l’efficacité de l’immunothérapie est similaire par rapport au reste de la population traitée et, surtout, qu’il n’y a pas plus d’effets secondaires sévères ou différents ». Une conclusion retrouvée par de premiers essais cliniques conduits auprès de plus de 65 ans. Autant de résultats qui, pour les sages de la rue Bonaparte, devraient inciter à envisager l’immunothérapie non seulement dans le mélanome mais aussi dans d’autres tumeurs cutanées particulièrement fréquentes après 70 ans (à l’instar du carcinome épidermoïde cutané avancé et de la tumeur de Merkel), éventuellement en situation adjuvante.
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