Face à un nombre de victimes jugé « astronomique », le gouvernement a présenté ce 7 juin les axes d'un futur plan contre les violences faites aux enfants centré sur les violences sexuelles, mais déjà jugé « timide » et « manquant d'ambition » par les associations.
« On est dans une situation tragique aujourd'hui : un enfant meurt tous les cinq jours dans son environnement familial à la suite de violences. Deux à trois enfants par classe subiront des phénomènes d'inceste. Cela concerne un adulte sur dix. Un enfant se fait agresser toutes les trois minutes sexuellement », a souligné auprès de l'AFP la secrétaire d'État à l'Enfance, Charlotte Caubel, qui a présenté les grands axes de ce plan en conseil des ministres avec le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti. Elle estime que « le combat contre les violences aux enfants doit devenir un combat à la hauteur de la lutte qu'on a menée contre les violences faites aux femmes ».
Ce plan 2023-27, officiellement annoncé à l'automne mais dont le calendrier de mise en œuvre n'est pas précisé, prendra le relais du plan 2020-2022 contre les violences faites aux enfants lancé lors du premier quinquennat, qui a permis la création de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).
Une campagne choc
En attendant, la secrétaire d'État veut diffuser « une campagne choc type sécurité routière » pour sensibiliser la société sur l'inceste, peu après la rentrée scolaire. « Les chiffres sont astronomiques et personne ne veut les voir. Il faut que tout le monde ouvre les yeux, que tous les adultes se sentent concernés », insiste Mme Caubel.
Parmi les mesures, le plan veut outiller les professionnels en contact avec les enfants pour mieux détecter et signaler les violences sexuelles : une formation sera mise en place à partir des outils élaborés par la Ciivise. Son président, Édouard Durand, a dit à l'AFP souhaiter un « plan ambitieux de formation initiale et continue, avec une certification, qui garantira la compétence des professionnels au moment de leur affectation ».
Une plateforme sera créée pour soutenir et orienter des professionnels (enseignants, médecins…) : appelés à mieux repérer les violences sexuelles, ils peuvent se sentir isolés ou démunis lorsqu'ils ont des soupçons. Ces mesures, déjà annoncées en septembre dernier, correspondent à des préconisations faites en mars 2022 par la Ciivise.
Trois des 20 préconisations de la Ciivise
Coté justice, le plan devrait intégrer de nouvelles mesures pour mieux accompagner tous les mineurs victimes pendant les procédures judiciaires, avec par exemple une refonte du statut des « administrateurs ad hoc », qui représentent les enfants lorsque les parents ne sont pas en mesure de le faire. Mieux indemnisés, ils seraient rebaptisés « parrains judiciaires », indique-t-on à la Chancellerie.
La Chancellerie réfléchit à simplifier le fonctionnement de la tutelle pour les orphelins et à mieux identifier la spécialisation « mineurs » des experts judiciaires. Enfin, une réflexion est menée en vue d'une meilleure indemnisation du préjudice causé aux enfants.
« La Ciivise nous a permis de prendre conscience de l'ampleur des violences sexuelles. Et leur impact est massif : on sait qu'un enfant qui les subit a tendance à les reproduire et à se mettre en situation de danger. C'est sans doute à mettre en lien avec l'explosion de la prostitution des mineurs », observe Mme Caubel.
« La Ciivise a fait 20 préconisations en mars 2022. C'est une satisfaction de voir trois d'entre elles intégrées dans un plan interministériel. Mais elles sont toutes faites pour être mises en œuvre afin que les enfants soient réellement protégés de l'inceste », a réagi Édouard Durand, qui doit rendre un nouvel avis le 12 juin.
« Un plan timide, de la communication, des mesurettes sans moyens, sans objectifs chiffrés. Il n'y a pas de volonté politique de réellement lutter contre les violences sexuelles », a réagi pour sa part Isabelle Aubry, présidente de Face à l'Inceste.
« Toute avancée est bonne à prendre, mais cela ne va pas assez loin », abonde Arnaud Gallais, président de l'association BeBrave de « survivants de violences sexuelles », regrettant aussi « un manque d'ambition et de volonté politique ».
L'association Colosse aux pieds d'argile, qui sensibilise aux violences sexuelles en milieu sportif, salue « une avancée supplémentaire » avec la cellule d'écoute et la formation des professionnels. « Beaucoup d'adultes ne savent pas comment réagir. Plus il y aura d’adultes formés, plus on saura orienter les victimes et identifier les agresseurs », selon son fondateur Sébastien Boueilh.
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