Transgène, la biotech historique française, a été en 1993 tout près du Graal. Mais elle ne le savait pas. Dans un récit historique publié dans Nature (14 septembre 2021), Pierre Meulien raconte comment son équipe de chercheurs avait réussi à déclencher une réponse immunitaire spécifique après injection d'un ARNm enveloppé dans un liposome. Les chercheurs de Transgène prennent un brevet pour protéger leur invention. L'aventure s'arrête toutefois là. Le budget pour transformer l'essai est estimé à plus de 100 millions d’euros. Transgène jette le gant. Pire, la biotech alsacienne décide d'arrêter de payer les frais pour le maintien du brevet. L'équipe de Pierre Meulien comme d'autres s'orientent plutôt sur des projets de recherche de vaccins à ADN. Dans cette histoire mouvementée des vaccins à ARN, il y a eu bien d'autres pionniers Robert Malone par exemple. À la fin de l'été 1987, ce jeune étudiant, diplômé du Salk Institute for Biological Studies (La Jolla, Californie) réalise une expérience qualifiée d'historique par Nature. Des brins d'ARN messager sont mélangés avec des lipides. Miracle, cette mixture improbable produit des protéines. « Si les cellules pouvaient créer des protéines à partir de l'ARNm qui leur était délivré, il serait possible de traiter l'ARN comme un médicament. » Ces paroles prophétiques ne seront pas entendues. Et comme les prophètes sont des hommes comme les autres, les dissensions vont surgir. Conséquence, Malone n'a jamais obtenu de doctorat, ni d'ailleurs toucher de royalties sur sa découverte. Il ira même ces derniers mois à affirmer que les risques des vaccins à ARNm l'emportent sur leurs avantages, du moins pour les enfants et les jeunes adultes.
Avenir plus prometteur en oncologie
Dans les années quatre-vingt-dix, la plupart des biotechs qui travaillent sur l'ARNm se cassent les dents. L'avenir apparaît plus prometteur en oncologie. Eli Giboa a l'idée de prélever des cellules du système immunitaire, puis de les mélanger à l'ARNm encodant des protéines tumorales avant de les injecter chez le patient afin de mobiliser le système immunitaire. L'essai a été concluant chez la souris mais pas chez l'homme où un essai mené avec un candidat vaccin a échoué. Ces travaux ont été attentivement suivis par des chercheurs en Allemagne, Ingmar Hoerre et Ugur Sahin qui vont créer respectivement Curevac et BioNTech (2007) avec une idée apparemment toute simple, administrer directement l'ARNm. La même année, une jeune start-up appelée RNARx démarre avec un modeste capital de 97 396 dollars. Elle est fondée par la biologiste Katalin Karikó et l'immunologiste Drew Weissman, tous deux à l'Université de Pennsylvanie (Philadelphie) qui détient les droits de cette découverte. Ils sont à l'origine d'une percée majeure. En créant un analogue à l'urine, la pseudouridine, ils inventent un leure qui n'est pas reconnu par l'organisme comme un corps étranger. La découverte est repérée par Derrick Rossi, le cofondateur d'une start-up, Moderna... Mais les brevets de cet ARNm modifiés échappent à ses découvreurs. L'université de Pennsylvanie les cède à un petit fournisseur de réactifs de laboratoire pour 300 000 dollars. Bingo ! Ce brevet rapportera « ensuite des centaines de millions de dollars en frais de sous-licence ». Il devrait toutefois expirer dans cinq ans. En attendant, les deux chercheurs Karikó et Weissman dont la start-up a cessé ses activités en 2013 auront-ils le prix Nobel de médecine dès cette année ? Ou leur faudra-t-il attendre quelques années ?
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