« Comment un gynécologue peut-il conclure un colloque de juristes ? », s’est demandé le Dr Denis Mukwege en clôturant la journée sur les viols de guerre organisée par l’Institut francophone pour la justice et la démocratie (IFJD) au TGI de Paris le 29 mars dernier. Question rhétorique s’il en est : le Congolais a justement reçu le prix Nobel de la paix à l’automne dernier pour l’approche holistique qu’il a su mettre sur pied en faveur des victimes des atrocités qui ont émaillé l’histoire récente de son pays. Une prise en charge qui mêle justement, entre autres, le domaine médical et le domaine juridique.
Rappelons que dans son célèbre hôpital de Panzi situé à Bukavu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), Denis Mukwege a été à la fin des années 1990 le témoin effaré du développement d’une pratique particulièrement inhumaine : l’utilisation du viol comme arme de guerre. « Le viol comme stratégie de guerre vise non seulement à détruire la matrice de la vie qu'est la femme, mais aussi à détruire le tissu social », a rappelé le gynécologue lors de son allocution au TGI.
Face à l’afflux de victimes, Denis Mukwege a pratiqué dans son hôpital de nombreux actes de chirurgie réparatrice. Mais il a rapidement compris que la médecine ne pouvait pas tout. « Le traitement médical est une porte d'entrée, mais il n’est pas suffisant », a-t-il expliqué à l’audience attentive du TGI de Paris. « Il faut également une prise en charge psychologique et socio-économique. » Et le gynécologue d’ajouter un quatrième pilier à ce triptyque : le pilier légal. « C’est très important, car c'est une question de dignité », estime-t-il. « Je pense que pour restaurer cette dignité, nous avons besoin des juristes. »
Une clinique juridique pour les victimes
C’est pourquoi l’hôpital de Panzi propose en son sein les services d’une « clinique juridique ». L’objectif : fournir aux femmes une assistance juridique leur permettant d’accéder à la justice. Car en RDC peut-être encore plus qu’ailleurs, les femmes victimes de viol éprouvent les plus grandes difficultés à déposer plainte. « Si malgré sa souffrance, une femme a le courage de se rendre au commissariat, le policier va dire qu’il veut bien écouter, mais qu’il faut d’abord le motiver, ce qui en RDC signifie qu’il faut payer », détaille Denis Mukwege. Et si jamais elle passe cette étape, le gynécologue déplore le comportement des enquêteurs, qui ont tendance à poser leurs questions de manière intrusive et peuvent aller jusqu’à demander à la victime de rejouer la scène de leur viol.
Dans ces conditions, une approche globale de la prise en charge des victimes est indispensable, affirme le gynécologue : toutes les disciplines doivent être mises à contribution, et elles doivent être concentrées dans un même lieu, le plus simplement possible. Cette approche n’est d’ailleurs d’après Denis Mukwege pas valable qu’en RDC. « En France, il y a en théorie tout ce qu’il faut pour prendre en charge les victimes de violence sexuelle », constate-t-il. « La grande question, c’est de savoir comment, lorsqu’une victime entre dans le système de prise en charge, tout soit fléché de sorte qu’elle soit en mesure d’utiliser les services mis à sa disposition. » Et si, sur ce sujet, notre pays avait au moins autant à apprendre de la RDC que la RDC n’a à apprendre de nous ?
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