Les effets sanitaires des perturbateurs endocriniens s’étendent au-delà du champ de la santé reproductive, ce qui conduit Santé publique France (SPF) à vouloir refondre son dispositif de surveillance à partir d’une vingtaine d’indicateurs prioritaires. Ceci, sur la base de l’étude Peps’pe lancée en 2021, dont les résultats ont été publiés fin décembre. Cette décision entre en résonance avec les préoccupations de la Société francophone d’endocrinologie qui a fait des perturbateurs endocriniens (PE) un axe majeur de son congrès de 2023, les considérant comme un « enjeu fort de santé publique ».
Depuis 2015, SPF assure une surveillance des effets des PE ciblée sur la santé reproductive, en regardant en particulier la cryptorchidie, la puberté précoce, le cancer du testicule, l’altération de la qualité du sperme, l’endométriose, etc. Mais d’autres troubles sont suspectés d’être associés à une exposition aux PE : des altérations du système immunitaire, les troubles de la thyroïde, les cancers hormonaux-dépendants, mais aussi les troubles neurodéveloppementaux ou encore des troubles métaboliques comme le diabète ou l’obésité.
59 effets sanitaires évalués
Dans le cadre de son programme santé environnement et de la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE), SPF a lancé en 2021 le projet Peps’pe, avec l’objectif de prioriser les effets sanitaires liés aux PE. Quelque 59 pathologies ou effets sanitaires suspectés ont été soumis à un panel d’une cinquantaine d’experts scientifiques français et internationaux. Ils ont été priorisés selon deux critères : le poids des preuves et l’intérêt épidémiologique et sociétal de la mise en place de leur surveillance. Aussi ne s’agit-il pas de caractériser l’effet d’un PE sur la santé, mais de suivre l’évolution d’un indicateur sanitaire en population générale. « La méthodologie proposée visait à rechercher le meilleur compromis entre la robustesse scientifique, l'opérationnalité et la clarté pour tous », lit-on.
Sur les 59 pathologies soumises à cette évaluation, 21 ont été évaluées comme prioritaires à surveiller pour leur lien avec les PE. Parmi eux, les experts pointent des troubles de la santé reproductive déjà surveillés par l'agence, mais également des effets qui ne l’étaient pas dans leur lien avec les PE (infertilité, cancer des ovaires, cancer de l'endomètre, de la prostate…), des troubles métaboliques (surpoids et obésité, maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, syndrome métabolique), certains troubles du neurodéveloppement de l'enfant (troubles du comportement, déficit intellectuel, troubles du déficit de l'attention), ou encore l’asthme. Les lymphomes et leucémies chez l’enfant sont distingués comme priorités « fortes ».
En outre, 10 effets sanitaires ont été classés en priorité faible, dont le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), un cycle menstruel irrégulier, les issues défavorables de grossesse, l’hyperthyroïdie et hypothyroïdie subclinique, la maladie stéatosique du foie, les troubles du spectre autistique, les maladies neurodégénératives chez l’adulte, et le cancer de la thyroïde. Et 12 effets sont considérés comme non prioritaires (cancers, diabète de type 1, troubles du système immunitaire, etc.), tandis que 16 n’ont pu être priorisés par manque de participants experts ou par absence de consensus (par exemple, les troubles osseux, les troubles surrénaliens et les troubles cutanés et oculaires).
Mise en pratique du concept d’exposome
Dans un deuxième temps, SPF envisage d’étudier la faisabilité d’une surveillance des effets ressortis prioritaires. « L'analyse consistera à déterminer si des indicateurs fiables et adaptés à la thématique des PE existent déjà ou peuvent être suivis dans le temps et dans l'espace », indique l’agence, en reconnaissant la nécessité de faire évoluer le périmètre de sa surveillance au-delà de la santé reproductive.
Cette nouvelle stratégie « permettra de s’approcher du concept d’exposome, qui correspond à l’ensemble des expositions environnementales auquel est soumis un individu tout au long de sa vie », fait valoir SPF. Elle devrait être déclinée d’abord au niveau de la santé reproductive (cancer du testicule, hypospadias, cryptorchidie, qualité du sperme, endométriose, puberté précoce) et des cancers du sein, de la prostate, de l’ovaire et de l’endomètre.
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