« Depuis mon opération, je me sens libérée. C'est comme une nouvelle vie. » Bintou, 27 ans, a appris par hasard qu'elle avait été excisée dans son pays natal, le Mali. Installée en France depuis dix ans, employée du secteur bancaire, elle vient de bénéficier d'une chirurgie réparatrice à l'hôpital de Montreuil, en Seine-Saint-Denis. Dans cette unité spécialisée, les victimes d’excision peuvent voir une sage-femme, une psychologue, une sexologue, une assistance sociale et une conseillère conjugale et familiale, puis, si elles le souhaitent, une chirurgienne pour être opérées. À partir du 8 mars, date de la Journée internationale des droits des femmes, leur parcours sera intégralement pris en charge par la Sécurité sociale, et non plus seulement l'opération. Le dispositif pourrait être généralisé en France, si l'expérimentation de trois ans est validée.
« Trop souvent, la prise en charge se réduit à la chirurgie. C’est catastrophique : la chirurgie seule ne permet pas une réparation sur les plans psychologique et sexuel », déplorait en octobre dans nos colonnes la Dr Sarah Abramowicz, gynécologue-obstétricienne, qui a créé l’unité en 2017 au centre hospitalier intercommunal André-Grégoire de Montreuil. « La chirurgie n’est pas systématique au terme du parcours. Certaines patientes ne le souhaitent pas », rapporte la gynécologue. Le parcours de soins dure en moyenne de quatre à cinq mois sans chirurgie et de sept à huit mois minimum quand il y en a une, auxquels il faut ajouter un suivi postopératoire de six mois.
« Opérer sans traiter les traumatismes n’a pas de sens, interpellait la Dr Abramowicz. Redonner un organe, celui du plaisir, doit être accompagné. » D’autant que les femmes victimes de mutilations développent plus de troubles que la population générale, notamment des troubles du stress post-traumatique. « Ma famille n'est pas encore au courant. Je vais leur en parler cet été quand je retournerai au Mali. J'ai besoin d'en discuter avec ma maman, qu'elle s'excuse. Je lui en ai beaucoup voulu », témoigne Bintou, une semaine après son opération, auprès de l’AFP. « J'ai appris que j'avais été excisée en surprenant une conversation téléphonique. Je n'en ai aucun souvenir, je pense que j'étais bébé, confie-t-elle. Pouvoir avoir un rapport sexuel pour la première fois à 27 ans, et réduire les risques de complications pendant l'accouchement, c'est ce qui m'a le plus motivé. »
En France, 125 000 femmes excisées
Selon le ministère de l'Égalité entre les femmes et les hommes, le nombre de femmes excisées en France est estimé à 125 000. En Seine-Saint-Denis, elles représenteraient 7,3 % des femmes. Et 11 % des filles de femmes mutilées sont à risque. L’Auvergne-Rhône-Alpes et la Nouvelle-Aquitaine sont respectivement les deuxième et troisième régions concernées.
À Montreuil, la majorité des patientes accueillies sont arrivées en France après avoir été excisées dans leur pays d'origine. « D'autres ont été excisées dans le pays d'origine des parents pendant les vacances ; quelques-unes l'ont été en France dans les années 1980 », indique la Dr Abramowicz. Pour beaucoup, l'excision n’a été que le début d'une série de violences. Dans l'unité, elles sont nombreuses à avoir subi violences sexuelles, viols conjugaux, mariages forcés. Certaines ont fui leur pays pour éviter que leur fille ne soit, elle aussi, excisée. « Je me dis que c'est une lutte féministe », revendique la Dr Abramowicz.
La chirurgie réparatrice « est une opération assez facile, basée sur les mêmes techniques que les chirurgies de changement de genre », explique la Dr Émilie Orain, chirurgienne formée par Sarah Abramowicz. « Mais elle peut redéclencher des traumatismes, des flash-backs, des cauchemars. C'est pour cela qu'on le fait sous anesthésie générale », indique-t-elle aux patientes en consultation.
Deux cents femmes suivent ce parcours de soins chaque année à Montreuil. La moitié se fait opérer. Dans les trois ans à venir, l'unité espère en accueillir un millier. D’autres centres existent en France, notamment ceux ouverts par l’association Les orchidées rouges à Bordeaux et à Lyon. Partout, les spécialistes plaident pour une meilleure sensibilisation de l’ensemble des professionnels de santé au repérage des femmes excisées et des jeunes filles à risque.
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