« Pour des raisons étymologiques, le mot patient est presque synonyme de malade. En latin, le terme « patiens » désigne celui qui souffre. Le malade, lui, est la personne en mauvais état (« male habitus »). Si ces deux mots sont, en pratique, utilisés indifféremment, notons que le patient d’aujourd’hui est très souvent impatient. En vérité, il a raison de l’être, de ne pas se résigner aux attentes prolongées dans les services d’urgence, de se plaindre quand le rendez-vous médical lui est fixé avec un délai de plusieurs mois. Il sait que son mal progresse et s’aggrave souvent avec le temps, que la prise en charge ne peut pas être impunément retardée.
Le médecin actuel est écartelé entre un patient légitimement impatient et des conditions de travail obligeant trop souvent à différer examens et soins. De plus, les connaissances dont dispose ce patient, du fait des moyens informatiques modernes, lui signalent toutes les possibilités d’affections, même rares, correspondant à ses symptômes. Le traitement lui apparaît s’imposer en urgence. Arrivé dans le cabinet médical, ce patient impatient formule, avant tout examen, son diagnostic et exige la thérapeutique recommandée sur Internet. Il faut beaucoup de diplomatie au médecin pour faire comprendre qu’il ne s’agit là que de l’une des pathologies possibles ; souvent d’autres maladies sont plus probables et, en tout état de cause, la certitude ne sera fournie que grâce à un examen clinique complet et des examens biologiques ou d’imagerie, pour la réalisation desquels il sera nécessaire d’avoir un peu de patience…
Le croisement entre les courbes de l’impatience croissante du malade et de la rapidité décroissante d’accès au diagnostic (délais de rendez-vous auprès des médecins spécialistes et de ceux chargés des explorations complémentaires) pose question et donne au patient l’impression que le diagnostic et la prescription adaptée tardent.
Dans ce contexte, n’est-il pas devenu urgent de réduire tout délai superflu, susceptible de faire perdre confiance au malade et parfois même de limiter les chances d’un traitement totalement efficace ? La pénurie de médecins généralistes et spécialistes, la pénurie des autres soignants, les lourdeurs et lenteurs bureaucratiques, les organisations quelquefois défectueuses, la logique administrative trop souvent privilégiée à une approche plus humaine, tout cela et beaucoup d’autres faiblesses justifient que soient déployés tous les efforts pour des corrections aussi rapides que possible.
Au niveau international, notre système de santé était classé en tête par l’Organisation mondiale de la santé au tout début de ce siècle. Ce système proposait en effet des soins de qualité, accessibles à tous, indépendamment des ressources de chacun. Il y manquait certes la prévention, trop négligée dans notre pays, ainsi que l’agilité qui pourrait permettre une adaptation efficace aux circonstances diverses. Surtout il existait déjà une insuffisance quantitative de formation de médecins, infirmières et aides-soignantes. Ces faiblesses, aggravées par plusieurs mesures d’économie, ont provoqué, en une quinzaine d’années, la fragilisation, parfois l’effondrement de ce système.
À l’hôpital, une grave perte d’attractivité pour les professionnels se fait sentir depuis la mise en place de la tarification à l’activité et surtout depuis la modification en juillet 2009 de la gouvernance par la loi HPST. Celle-ci assimile à tort l’hôpital à une entreprise et impose une gestion économe mais préjudiciable aux malades comme aux professionnels de santé. Les défaillances, dénoncées en médecine de ville comme en médecine hospitalière, sont devenues évidentes à tous, du fait de l’épidémie de Covid-19. L’accès aux soins est maintenant géographiquement inégalitaire, souvent difficile, limité et ralenti dans les nombreux « déserts médicaux ».
Tout est, aujourd’hui, à reconstruire, à refonder, avec une vision pratique digne du XXIe siècle, tout en gardant les valeurs humanistes qui ont inspiré le Conseil national de la Résistance, notre modèle de solidarité nationale et la réforme hospitalière de 1958.
Les patients impatients nous exhortent à ne pas attendre davantage. Avec les associations de malades et l’ensemble des professionnels concernés, engageons cette révolution, au service des patients de demain. « Quoi qu’il en coûte » ! ».
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