Une étude menée dans trois maternités de Provence-Alpes-Côte-d’Azur montre que 41 % des pères souffrent de baby blues dans les premiers jours après l’accouchement de leur compagne. Un phénomène encore peu étudié.
« On parle de baby blues chez les mères depuis longtemps, mais on n’aborde pas encore ce phénomène chez les pères. Or, lorsqu’on s’y intéresse, on constate qu’ils sont également touchés », souligne Sébastien Riquet, sage-femme enseignant à l’école universitaire de maïeutique d’Aix-Marseille et chercheur associé au LEPS UR 3412 Université Sorbonne Paris Nord. « La place du père devient centrale dans la notion de parentalité, du soutien parental, et pour aider la mère à surmonter son baby blues. Mais ces pères vont-ils si bien que ça ? », pointe-t-il.
Pour en avoir le cœur net, il a mené une étude dans trois maternités de Provence-Alpes-Côte-d’Azur auprès de 150 jeunes papas, grâce à un questionnaire déjà utilisé chez les mamans : le Maternity Blues Questionnaire, de Kennerley et Gath. Il leur a été proposé durant le séjour à la maternité entre J0 et J5.
Presque un père sur deux touchés par le baby blues
Et les résultats sont significatifs. « Nous avons trouvé 41 % de pères présentant des symptômes de baby blues, dont 24 % pour la forme classique et 17 % pour le baby blues sévère. C’est presque un père sur deux, alors qu’on n’en parle jamais ! », s’étonne Sébastien Riquet. Les symptômes apparaissent très précocement, dans les 24 premières heures pour 13 pères sur les 61 souffrant de baby blues, 21 à J1 et 15 à J2. « Le baby blues du père est plus précoce, entre J0 et J1 alors que celui de la mère survient plutôt entre J3 et J4 », note le sage-femme. « On est loin de l’image du père qui doit être viril, ne doit pas pleurer, doit accompagner sa femme et la soutenir. Pour soutenir la mère, il faut qu’il puisse être remis lui-même! », estime-t-il.
La population étudiée avait en moyenne 32 ans, avec des pères majoritairement Français, quelques-uns d’origine maghrébine, asiatique ou subsaharienne. Ils avaient généralement un diplôme du baccalauréat ou au-dessus, 78 % travaillaient et 81 % étaient en couple avec la mère. Enfin, 18 % d’entre eux avaient déjà un antécédent de dépression.
« Nous avons remarqué que les pères séparés de la mère sont plus à même de faire un baby blues, de même que ceux qui n’ont pas désiré l’enfant. Le fait d’avoir son premier enfant est également un facteur de risque », détaille le sage-femme. Pour le baby blues dit sévère, il retrouve, comme pour les femmes, un effet significatif d’antécédent de dépression.
Le manque d’interaction précoce est un facteur de risque
Par ailleurs, le contexte de la naissance a aussi une influence. « Si l’enfant est né par césarienne, programmée ou non décidée, et/ou s’il est hospitalisé en néonatologie, le baby blues peut être davantage présent. Le fait de ne pas avoir une interaction précoce ou une interaction retardée avec le bébé semble être un facteur de risque », constate-t-il.
Une observation confirmée par une étude de l’équipe parisienne de la Pr Jacqueline Wendland. Elle a réalisé le même travail sur 300 pères pendant l’été 2023, en ajoutant un questionnaire différent afin de mesurer les interactions précoces entre père et enfant. « Il était significatif que les pères qui n’avaient pas d’interactions précoces avec leur enfant faisaient plus de baby blues. Cela va dans le sens de nos propres résultats », souligne Sébastien Riquet. « Ce père qui attend son bébé depuis neuf mois, sans relation physique a fantasmé son enfant. Quand il ne peut pas entrer en relation précoce avec lui, il a plus de risque de faire un baby blues », suppose-t-il.
« La femme a des fluctuations hormonales, mais les pères aussi ont une baisse de la testostérone dans le dernier mois de grossesse, qui se maintient dans le premier mois après la naissance de l’enfant. Le papa est aussi inquiet. Il a les mêmes questions que la femme : est-ce que je vais être un bon parent, est-ce que je vais savoir m’occuper de ce bébé ? », interprète-t-il.
Pour lui, « d’autres études sont nécessaires pour confirmer ces premières données, mais on commence à avoir des faisceaux d’indices. Ils montrent bien que le baby blues est multifactoriel, entre la chute de la testostérone, la relation conjugale et les relations précoces avec l’enfant ».
Il estime qu’il serait nécessaire d’agir en prévention, en accordant « un temps d’écoute au père, comme à la mère précocement dès la maternité et pas seulement lors de l’entretien postnatal à un mois de vie ».
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