Comment expliquer le quasi-arrêt des recherches au niveau mondial sur les coronavirus après l'alerte du Sras en 2003 ?
Les coronavirus ordinaires, associés au rhume banal, ne présentent pas d’intérêt particulier pour les chercheurs ni pour les responsables de la santé publique. Le Sras est disparu des écrans radar à partir de 2004, la recherche sur ce nouveau pathogène a continué encore quelques années, puis les chercheurs ont perdu leur intérêt (et sans doute leur financement). Le coronavirus du Moyen-Orient, quant à lui, ne présentait pas de risque particulier car peu transmissible d’un humain à l’autre. Et il y des centaines d’espèces de coronavirus chez toutes sortes d’animaux, comment prévoir lequel va émerger chez l’humain ? Impossible.
L'OMS a-t-il joué son rôle au début de l'épidémie ? Pourquoi les scientifiques n'ont-ils pas pris la menace au sérieux ?
Je donnerais à l’OMS la note de passage dans ce dossier. Ils ont été meilleurs que lors de l’Ébola en Afrique de l’Ouest. Leurs bons coups : circulation d’information, recommandations techniques, soutien aux États membres les plus pauvres. Parmi leurs mauvais coups : i) se faire l’apôtre de l’idéologie d’ouverture permanente des frontières : les virus ne respectent pas les frontières. Quelle bêtise. Les virus humains voyagent avec les humains, dont les mouvements peuvent être contrôlés via des frontières. S’il y avait eu plus rapidement une volonté internationale de fermer complètement les liaisons aériennes avec la Chine, nous n’en serions sans doute pas là aujourd’hui; ii) être à peu près les derniers au monde à reconnaitre qu’il s’agissait d’une pandémie. Ceci dit, il faut reconnaitre que l’essentiel des décisions se prennent au niveau des États membres et que l’OMS ne peut que tenter de les influencer. Je crois que les scientifiques ont pris cette menace au sérieux très précocement. Mais durant les deux premiers mois, comme tout se passait en Chine, difficile d’en faire plus tellement ce pays est hermétique.
Le Canada connait-il comme en France la même pénurie de masques, de tests ? Redoutez-vous aussi une pénurie de traitements de réanimation comme le curare par exemple ?
Le Canada a été touché après l’Europe, grâce à la géographie, donc nous avons bénéficié de l’expérience de l’Italie pour anticiper la suite des choses si rien n’était fait. Nous avons à ce jours presque trois fois moins de cas per capita qu’aux États-Unis en raison d’un meilleur leadership politique, surtout au niveau des provinces. Il y a les mêmes risques de pénurie qu’en France et ailleurs dans le monde, mais pour l’instant c’est sous contrôle avec une gestion très serrée. La situation serait bien plus difficile si nous avions la même incidence de Covid-19 qu’en France.
Comment éviter une nouvelle crise ? Quelles sont vos recommandations ?
On ne pourra jamais avoir un risque zéro. Mais dans ce cas-ci il y avait eu un avertissement : le Sras de 2002-2004, venant de la Chine, coronavirus de la chauve-souris et de la civette, dont la transmission vers l’humain avait été favorisée par les marchés d’animaux. On les a fermés temporairement pour les rouvrir un mois après la fin du Sras. Dix-huit ans plus tard, ça recommence, encore une fois à partir d’un marché d’animaux. On y retrouve en cage des dizaines d’espèces d’animaux vivants, qui sont tués et dépecés sur place, à la demande d’un client, avec leur sang, leurs excréments et leurs tripes qui se répandent un peu partout. Pour avoir ignoré l’avertissement de 2002-2004, la responsabilité du régime chinois est écrasante.
Difficile pour nos démocraties d’imposer quoi que ce soit au régime arrogant et dictatorial qui gouverne la Chine. J’espère que cette crise pourra amener une "démondialisation" partielle. Diminuons notre dépendance envers la Chine. Il est ridicule que nous ne soyons même plus capables de fabriquer chez nous des masques et autres accessoires dont ont besoin les personnels soignants, et que nous devons attendre que des avions nous les ramènent de la Chine. Encourageons donc la production locale, en Europe et en Amérique, de ce dont nous avons besoin, pas seulement au niveau médical. Acceptons de payer plus cher, ou à tout le moins de rendre nos produits concurrentiels par le biais de tarifs douaniers sur les importations chinoises. Nous ferions d’une pierre deux coups, car ces biens de toutes sortes seraient produits chez nous, avec des sources d’énergie (hydro-électricité, éolien, solaire, voire nucléaire) moins polluantes que toutes ces usines chinoises alimentées par des centrales au charbon.
Confère son entretien réalisé en novembre 2019 lors de la parution de son livre.
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