Les tests rapides d'orientation diagnostique (Trod) grippe/Covid-19 et grippe/Covid/VRS « ne présentent pas à ce jour d'intérêt médical en vue d'un diagnostic à l'échelle individuelle, mais ils pourraient présenter un intérêt médical à l'échelle populationnelle », estime la Haute Autorité de santé (HAS) dans un rapport publié ce 13 juin.
En décembre dernier, au cœur d'un hiver marqué par une triple épidémie (grippe, Covid-19 et bronchiolite), la Direction générale de la santé (DGS) a saisi la HAS pour évaluer les Trod « multiplex », susceptibles de détecter simultanément différents virus, et la pertinence de leur utilisation, notamment dans les consultations en ville des généralistes et pédiatres. La HAS a décidé d'évaluer non seulement les Trod triplex, mais également les Trod duplex Covid-19/grippe et les Trod simplex grippe et VRS (le virus respiratoire syncytial étant responsable de plus de 70 % des cas de bronchiolite).
Trop de faux négatifs
Alors que la HAS a fixé à 80 % le taux minimal de sensibilité requis pour un Trod (et à 90 %, pour la sensibilité), les données de performances diagnostiques rapportées dans la littérature scientifique donnent à penser que les dispositifs évalués seraient nettement en dessous de ce seuil, lit-on.
Ainsi l'utilisation des Trod multiplex pourrait générer environ 25 % de faux négatifs pour le VRS chez l'enfant, et 45 % pour les virus grippaux, quel que soit l'âge. Pour les Trod Covid/grippe, la sensibilité est faible voire très faible pour les dispositifs à lecture visuelle, estimée de l’ordre de 55 % en moyenne (60-65 % chez l’enfant, 35-40 % chez l’adulte), et comprise entre 35 et 45 % pour trois Trod à lecture visuelle pris individuellement. Par ailleurs, il n'existe pas de données robustes pour permettre d'évaluer les performances diagnostiques des Trod les plus récents.
Quelle utilité clinique ?
De plus, l'utilité clinique des Trod multiplex n'est pas clairement démontrée. Les diagnostics reposent avant tout sur l'examen du tableau clinique, et il n'y a pour l'instant pas de traitement spécifique pour la prise en charge des symptômes de ces infections. En prévention de futures contaminations, compte tenu du risque important de faux négatifs, la HAS considère que les Trod ne permettent pas de prodiguer des conseils pertinents aux patients atteints de grippe.
À noter, l'absence d'intérêt à l'échelle individuelle des Trod multiplexe ne s'applique pas aux Trod Covid, que la HAS a souhaité intégrer à l'arsenal de lutte contre le virus en 2020 ; ni aux tests RT-PCR de tous les virus responsables d’infections virales hivernales (test multiplex ou a minima deux tests unitaires ou test duplex grippe-Sars-CoV-2), que la HAS a recommandés chez les patients symptomatiques à l'hôpital, aux urgences, ou en Ehpad. La HAS invite par ailleurs les industriels fabriquant des Trod duplex ou triplex à recueillir des données sur leur pertinence dans le diagnostic (en les comparant avec la technique de référence, RT-PCR) dès le prochain épisode de grippe saisonnière.
Diminuer la prescription d'antibiotiques
À l'échelle populationnelle, les Trod pourraient présenter un intérêt médical, ce qui justifierait, sous certaines conditions, leur prise en charge par l'Assurance-maladie, estime la HAS.
Particulièrement en période hivernale, le recours à ces tests pourrait permettre de limiter la prescription inutile d'antibiotiques, celle-ci restant encore trop élevée en dépit des actions entreprises. Il pourrait aussi permettre d'éviter des re-consultations ou des consultations aux urgences pour des infections virales saisonnières, non graves, est-il expliqué.
Mais pour conforter l'impact sur la santé publique de ces Trod (et éventuellement, autoriser leur remboursement), la HAS demande la mise en place d'un recueil prospectif comparatif de données d’utilité clinique en vie réelle, dans des territoires tests. Ce recueil devrait permettre de mesurer l’impact de l’utilisation de ces tests sur le taux de prescription d’antibiotiques, et sur le taux de re-consultations en cabinet ou aux urgences. Il devrait aussi contribuer à définir la ou l(es) indication(s) pour laquelle/lesquelles ces Trod présenteraient une utilité le cas échéant (âge, tableau clinique, temporalité…).
Enfin, la HAS souligne que cet avis pourra être revu en fonction de l'arrivée de nouveaux traitements pour la grippe et la bronchiolite, et de l'émergence possible de nouveaux variants pour le Sars-CoV-2.
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce