Vous aviez annoncé le temps des maladies chroniques. Le Covid-19 a bouleversé cette priorité.
Elles passent certes au second plan de l'espace politique et médiatique. Mais la sévérité de l'infection au Covid-19 ne frappe pas au hasard. La mortalité est plus fréquente chez les patients obèses et diabétiques. Elle touche aussi ces populations qui n'ont pas pu se soigner. Si nous avons alerté sur l'épidémie de maladies chroniques, c'est parce que cette thématique nous apparaissait alors comme la plus urgente sur le plan économique et sanitaire. Comme chercheur, je n'ai jamais perdu de vue les nouveaux périls infectieux. Nous avions réalisé une recherche avec un collègue de Montpellier sur la naissance de la surveillance épidémiologique en France, surveillance qui brille par son absence dans cette crise du Covid-19. Enfin dans un meeting de la campagne de l’élection présidentielle de 2017, Jean-Luc Mélenchon annonce l'arrivée d'une nouvelle pandémie qui allait percuter le système de santé public et le mettre à genoux. J'ai contribué à inspirer certains passages de ce discours. Nous y sommes aujourd'hui. Si les gouvernements après l'épisode H1N1 se sont désintéressés de cette problématique, c'est peut-être vrai mais pas tous les chercheurs.
Les critiques avant le Covid-19 s'étaient concentrées sur les modes de financement. Le différentiel de lits de réanimation avec l'Allemagne n'a jamais fait débat.
Cette pandémie met en lumière des trajectoires nationales. Auparavant un modèle unique s'imposait qui inspirait fortement les différents gouvernements français. Aujourd'hui on découvre d'autres expériences. Le différentiel de lits avec l'Allemagne ne s'explique pas pour autant par la seule T2A. La démographie différente entre les deux pays est peut-être l'une des clés avec un poids des personnes âgées beaucoup plus important qui influe sur la demande de soins et d'équipements hospitaliers. On observe toutefois un manque d'investissements pour d'autres types d'infrastructures au nom du principe du zéro déficit. Pour autant, il y a eu en France des signaux d'alerte comme l'insuffisance de lits de réanimation pédiatrique cet hiver avec déjà le recours à des transferts interrégionaux. C'est bien le résultat de cette politique de flux au cœur des restructurations hospitalières avec pour principe la finance déclinée à toutes les activités humaines.
Quelles leçons tirez-vous de cette crise ?
Nous n'avons plus les moyens de notre indépendance sanitaire sacrifiée sur l'autel d'un libre-échange doctrinaire. Or, c'est une mission régalienne pour un Etat de protéger sa population d'un ennemi extérieur ou d'un virus. En ce qui concerne les belles promesses d'aujourd'hui, je doute des capacités du pouvoir actuel formé par l'idéologie libérale à défendre la souveraineté de l'Etat nation. Autre enseignement, l'Europe a fait faillite une nouvelle fois. A l'heure de la pandémie, les égoïsmes nationaux sont de retour. Dans le contexte actuel, le niveau national s'impose. Enfin, la recherche publique française est à genou. L'équipe de Bruno Canard directeur de recherche au CNRS et qui travaille sur les coronavirus depuis 2002 a vu ses crédits diminuer peu à peu, cette thématique n'étant pas jugée prioritaire par les instances d'évaluation y compris au niveau européen. Juste avant la pandémie, le projet quinquennal pour la recherche publique s'apparentait à un pur démantèlement avec davantage de précarité et de financement par projet.
Enfin on peut être surpris par le contraste entre la surdité gouvernementale à l'égard des manifestations des personnels hospitaliers tant par leur ampleur que par leur durée et leur transformation quelques semaines plus tard en héros. La pandémie a joué comme un réactif de test. Il faut accepter de disposer de ressources non utilisées pour faire face à un surcroît d'activités non prévu.
Pour autant le système de santé a tenu et n'a pas craqué.
Les soignants qui ont été méprisés dans la séquence antérieure au Covid ont tenu la maison. Il ne faudrait pas que le gouvernement s'autocongratule alors que les professionnels sont montés au front. La récupération politique de leurs sacrifices et efforts serait indécente. Quant à la parenthèse keynesienne actuelle, elle devrait se refermer assez rapidement comme en 2008. Le libre-échange doctrinaire avec une zone euro ouverte à tous les vents a en revanche un coup dans l'aile.
* Docteur en science politique, sociologue, chargé de recherche au CNRS
Dans la cholécystite, la chirurgie reste préférable chez les sujets âgés
Escmid 2025: de nouvelles options dans l’arsenal contre la gonorrhée et le Staphylococcus aureus
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité