En Angleterre, 77,7 % des personnes présentant un risque important d’avoir un cancer ont pu consulter un spécialiste sous 14 jours, selon les chiffres d’avril du NHS, le service national de santé. L’objectif de 93 % n’a pas été atteint depuis mai 2020.
Sur le mois, plus d’un million de personnes attendait de réaliser des tests de dépistages. 24,9 % d’entre elles attendaient depuis six semaines ou plus et près de 218 000 personnes (22 %) étaient en attente de rendez-vous pour les services de radiologie pour six semaines ou plus.
« Nous fonctionnions déjà au-delà de nos capacités avant la pandémie, explique Patricia Price, oncologue. Ces difficultés étaient liées à la période d’austérité qui a suivi la crise financière de 2008. En tant que service public, nous avons été touchés et nous avons essayé de compenser en étant super-performants. Mais depuis la pandémie, nous ne pouvons plus faire face. »
Services partagés
« Les pénuries concernent toute la chaîne des soins liés au cancer : le manque de general practitioners (GP, les médecins traitants), de radiologues et de pathologistes entraîne des retards de dépistage, détaille Matt Sample, responsable des politiques de santé chez Cancer Research UK. Puis les pénuries d’oncologues et de professionnels de santé retardent le début des chimiothérapies. »
Alors que le NHS a pour objectif de commencer les traitements anticancéreux pour 85 % des patients dans les 62 jours qui suivent un dépistage urgent, seules 61 % des personnes concernées ont pu démarrer leurs soins. « Or, nous savons que pour quatre semaines de retard, le taux de mortalité augmente de 10 % », rappelle Patricia Price.
L’état de retard généralisé du NHS empêche de réduire ces listes d’attente. Le nombre de personnes en attente de traitement, tous problèmes de santé confondus, s’élève aujourd’hui à 7,3 millions au sein du NHS pour l’Angleterre.
« Les services sont partagés, il faut recourir aux outils d’imagerie, de radiologies et de chirurgie pour les autres patients qui attendent aussi d’être soignés, ce qui impacte le soin des personnes atteintes d’un cancer », confirme Patricia Price.
Selon Cancer UK, ce problème de retard se retrouve dans les quatre nations du Royaume-Uni.
« Nous avons besoin d’actions pour recruter, former et retenir le personnel, poursuit Matt Sample. Le ministre des Finances Jeremy Hunt avait promis un plan de financement pour mettre en place ces actions l’année dernière mais rien n’a été présenté en ce sens. »
Soulager les douleurs
Pour pallier cet état de fait, des nouveaux systèmes de triage ont été mis en place. « Les services de santé essaient de s’assurer que les patients face aux situations les plus urgentes soient vus le plus rapidement possible, commente Matt Sample. Certains patients peuvent être orientés vers un spécialiste par un pharmacien plutôt que par leur médecin traitant. »
Mais face aux retards de traitements, les médecins traitants sont aussi sur-sollicités par leurs patients qui se retrouvent dans des situations très angoissantes.
« Les patients qui voient leur santé physique se détériorer se tournent vers nous pour se faire soigner ou se faire aider à obtenir leurs soins, explique le docteur Amar Ahmed, GP dans la région du Cheshire, au nord de l’Angleterre. Nous essayons de trouver des solutions en dehors des procédures habituelles, nous essayons d’organiser des investigations nous-mêmes pour faire avancer les choses. Mais lorsqu’on attend pour une radiologie ou pour une chimiothérapie, il n’y a rien que l’on puisse faire, si ce n’est de donner des traitements pour soulager les douleurs. »
Pire taux de survie
Fatalement, les sollicitations des patients en attente de traitement contre le cancer empiètent sur le temps de consultations classiques des cabinets médicaux.
« Nous travaillons à 120 % de l’activité qui était la nôtre en prépandémie, estime le médecin. Les hôpitaux ne fonctionnant pas à leur rythme normal, ce sont les soins primaires qui récupèrent le surplus. Or, nous faisons 99 % des consultations de tous les patients chaque jour mais avec moins de 8 % du budget du NHS. »
Patricia Price et Amar Ahmed s’accordent pour dire que la situation doit être traitée comme une crise à part entière pour le gouvernement en nommant, par exemple, une personne en charge de travailler à résorber ces retards.
« Nous avons eu une campagne très efficace pour lutter contre le coronavirus par le biais de la vaccination dans ce pays, il est temps maintenant de mener une campagne identique face à la crise des soins du cancer, estime Amar Ahmed. Nous sommes dans une situation d’urgence qui impacte les chances de survie alors que le Royaume-Uni a déjà les pires taux de survie du cancer en comparaison avec d’autres pays développés. »
Pour la période d’analyse la plus récente (2010-2014), les estimations de survie au Royaume-Uni sont inférieures à 1 an et 5 ans après dépistage, en comparaison à d’autres juridictions pris en compte par l’ICBP (International Cancer Benchmarking Partnership).
Sérologie sans ordonnance, autotest : des outils efficaces pour améliorer le dépistage du VIH
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP