Au 1er juillet 2025, les sept centres de santé sexuelle (CSS) gérés par le département de la Drôme, répartis sur l’ensemble du territoire, doivent fermer leurs portes (1). Et ce, conformément à la décision votée, le 14 avril, par la majorité du conseil départemental, présidé par Marie-Pierre Mouton (Les Républicain). Les 11 autres CSS de ce département rural d’environ 520 000 habitants – 5 gérés par le Planning familial, 6 par les hôpitaux (2) – font face, eux, à une baisse de 20 % de subvention. « C’est énorme », lâche, dépitée, Frédérique Clausse, responsable du Planning familial de la Drôme, contrainte de réviser la convention signée avec le département pour trois ans et qui court jusqu’en 2026.
La mobilisation de plusieurs mois n’y a rien changé, tout comme la pétition lancée en février à l’initiative du Planning, et ses plus de 20 000 signatures. La subvention du département représente 60 % du budget du Planning (80 % des subventions publiques). Très concrètement, cette baisse de 20 % représente plus d’un équivalent temps plein (ETP) pour l’association, qui emploie 24 salariés (tous à temps partiel) pour 7 ETP.
Cela pourrait engendrer une diminution des horaires d’ouverture des centres et des séances d’animation collective en milieu scolaire dans le cadre de l’éducation affective et sexuelle. Sans compter l’impact de la fermeture des CSS départementaux sur l’activité du Planning : « Pour l’instant, on ne sait pas le report de personnes que l’on va avoir », commente Frédérique Clausse. Tout dépend de la mobilité des personnes, qui, en général, sont en difficulté. Pour sûr, « l’équation est très compliquée », poursuit la responsable, qui redoute les conséquences négatives de ces restrictions budgétaires sur la prévention, le risque accru de grossesses non désirées et d’infections sexuellement transmissibles (IST) non dépistées.
« Étonnement, choc et incompréhension »
Chaque année, le Planning familial de la Drôme comptabilise environ 3 000 entretiens avec des conseillères conjugales et familiales et quelque 1 550 consultations médicales. Depuis septembre 2022, la Dr Marie Chevalley, médecin généraliste remplaçante à Valence, y effectue une demi-journée de consultations toutes les deux semaines, « à titre d’engagement ». Au Planning, dont elle partage les valeurs, elle apprécie particulièrement le travail en équipe, en lien avec les conseillères conjugales et familiales, qui assurent l’entretien préalable, au cours duquel les personnes sont informées des moyens de contraception disponibles, par exemple. Dans le cadre de ces entretiens, sont souvent détectées des violences psychiques, physiques ou sexuelles.
En consultation, la médecin généraliste dispose de davantage de temps, une demi-heure environ avec chaque patiente, voire une heure en cas d’interruption volontaire de grossesse (IVG), situation pour laquelle les CSS offrent une alternative à l’hôpital ou au cabinet libéral, où la situation peut être tendue. « Étonnamment, choc et incompréhension », telle est donc sa réaction à l’annonce de la décision du département. Et de souligner l’importance de ces services de prévention et de soins a fortiori en zone rurale où tout le monde se connaît. Dans ces centres, l’anonymat est respecté et il peut être plus facile de s’y procurer une pilule du lendemain qu’à la pharmacie du coin.
Craintes du conseil départemental de l’Ordre
Sollicité par Le Quotidien, le département répond par écrit. « Le département continuera d’assumer sa mission de santé sexuelle au-delà de ce qu’impose la loi avec l’organisation de 50 demi-journées de consultation chaque semaine sur notre territoire à la place des 33 imposées par le Code de la santé », explique-t-il. La collectivité justifie sa décision par « un contexte inflationniste galopant, des dépenses sociales qui explosent et des injonctions de l’État à payer de nouvelles charges imposées sans concertation et sans compensation (...) Cette asphyxie méthodiquement orchestrée produit aujourd’hui des effets délétères, et nous impose de requestionner l’ensemble de nos politiques », poursuit-il.
À l’Assemblée nationale, la députée écologiste de la Drôme, Marie Pochon, a interpellé, fin avril, le ministre de la Santé Yannick Neuder à ce sujet et fustigé « la rationalité d’une économie de moins de 300 000 euros par an sur un budget de plus de 800 millions d’euros ».
Par la voix de sa présidente, la Dr Hélène Barbier-Grassot, le conseil départemental de l’Ordre des médecins a adressé une lettre, le 25 mars, à la présidente du département : « Alors que la prévention des violences intrafamiliales demeure une priorité et que l’accès à l’IVG doit être non seulement sanctuarisé mais aussi renforcé, nous craignons que ces coupes budgétaires n’entraînent une dégradation des services essentiels », a-t-elle déclaré. « Une telle fragilisation des dispositifs de santé et de protection pourrait accroître les inégalités d’accès aux soins et aux droits fondamentaux, avec des conséquences graves pour les populations concernées », conclut-elle.
1) À Valence, Pierrelatte, Die, Portes-lès-Valence, Livron/Loriol-sur-Drôme, Hauterives et Saint-Jean-en-Royans.
2) Les centres hospitaliers de Romans, Saint-Valliers, Valence, Crest, Die, Montélimar.
Une femme sur trois vit dans des territoires ruraux
D’après le rapport d’information « Femmes et ruralité : en finir avec les zones blanches de l’égalité » de la délégation du droit des femmes au Sénat (2021), une femme sur trois vit dans des territoires ruraux, où ont lieu près de la moitié des féminicides (47 %). Près de 80 % des IVG sont réalisées par voie médicamenteuse, dont près de la moitié des IVG médicamenteuses ont lieu en établissement de santé, selon une étude de la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (Drees), en 2024.
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