L’augmentation de la prévalence de l’adénocarcinome pancréatique (AP) en Europe, y compris en France, amène la communauté scientifique à se questionner sur l’existence de nouveaux facteurs de risque, ceux décrits ne suffisant pas à expliquer cette progression. L’exposition aux produits phytopharmaceutiques ayant déjà été associée au risque de cancers, l’étude Pestipac, menée par le Dr Mathias Brugel, gastro-entérologue et oncologue digestif au centre hospitalier de la Côte basque à Bayonne, s’est intéressée au risque d’AP en cas d’exposition à long terme à différents pesticides et métabolites.
L’équipe a ainsi retrouvé une association entre risque d’AP et concentration de pesticides organochlorés dans la graisse abdominale, sachant que ces résidus appelés aussi « polluants organiques persistants » caractérisent l’exposition à long terme. Et l’étude n’a pas retrouvé d’association avec les résidus urinaires de pesticides organochlorés.
« L’augmentation de la prévalence du cancer du pancréas est singulière et soulève des questions, notamment pour les pays d’Europe de l’Ouest, comme le montre une étude récente publiée dans The Lancet Gastroenterology and Hepatology. Les patients jeunes (de moins de 50 ans) sont de plus en plus touchés », détaille le Dr Brugel au Quotidien, qui se penche avec attention sur le sujet depuis quelques années.
Une association avec le risque de cancer, mais pas la survie
L’étude a ciblé 345 pesticides et métabolites, dont 29 pesticides organochlorés, et mesuré leur concentration dans les urines et la graisse abdominale de 26 patients atteints d’un AP appariés avec 26 témoins. Parmi les participants, 38,5 % des patients cas et 19,2 % des contrôles avaient un antécédent de diabète, 15 sujets au total ont renseigné avoir travaillé dans le milieu agricole et 8 avaient utilisé des pesticides avant l’inclusion. Les auteurs retrouvent une contamination aux pesticides organochlorés chez tous les participants avec un risque augmenté d’AP chez ceux contaminés au trans-nonachlore (OR = 1,316), au cis-nonachlore (OR = 14,409), au mirex (OR = 2,788) et au 4,4 DDE (OR = 1,019). Concernant la présence de pesticides dans les urines, elle n’était pas associée au risque d’AP, « comme nous nous attendions », commente le Dr Brugel. Plus surprenant, les taux des pesticides dans les graisses ne semblent pas avoir d’incidence sur la survie globale et sans récidive des personnes ayant un AP.
« L’étude Pestipac est un début de réponse »
« Nous sommes tous de près ou de loin exposés à des substances chimiques, nocives ou non – et les participants de l’étude vivaient d’ailleurs dans une région viticole. Le seul lien que nous pouvons établir ici avec le cancer du pancréas est un lien de présomption, non de causalité », commente le Dr Brugel.
Malgré les limites des études épidémiologiques comme « le faible nombre de cas » et « la mesure rétrospective de l’exposition », l’oncologue fait remarquer que ces travaux peuvent tout de même mettre en évidence des associations entre une exposition et un surrisque ; et que le petit nombre de cas, en valeur absolue, de cancers du pancréas peut rendre les études moins puissantes. « Peut-être ne pourrons-nous jamais établir un lien de causalité, car nous ne ferons jamais d’essais où nous exposerions de manière volontaire, mais notre étude montre d’une part que les personnes ayant utilisé certains pesticides – par ailleurs interdits aujourd’hui – présentent aujourd’hui encore des traces d’exposition, et d’autre part que cette présence est associée à un surrisque d’adénocarcinome pancréatique », conclut-il, estimant que « l’étude Pestipac est un début de réponse ».
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