À Brest, vers une IRM de plus en plus verte

Publié le 31/05/2024
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Après le lancement du projet Mégadore en 2022 pour recycler le gadolinium (1), le CHU de Brest a mené une vaste étude sur la consommation électrique des IRM, avec quelques surprises à la clé.

De gauche à droite : le Pr Douraied Ben Salem, chef de service, Zélie Alerte, interne, et le Dr Mateusz Chodorowski

De gauche à droite : le Pr Douraied Ben Salem, chef de service, Zélie Alerte, interne, et le Dr Mateusz Chodorowski

Dans le service d’imagerie du CHU de Brest, le Pr Douraied Ben Salem et ses équipes cherchent des solutions pour réduire l’impact écologique des IRM, et en premier lieu, leur consommation électrique. Selon un rapport suisse publié en 2020, une meilleure gestion des modes d’activité des appareils d’IRM pourrait en effet permettre d’économiser jusqu’à 30 % d’électricité. « Des études ont montré que la radiologie était la principale consommatrice d’énergie dans le secteur de la santé, souligne le Pr Ben Salem. On a donc cherché à s’améliorer. » Le radiologue Mateusz Chodorowski a travaillé sur ce thème dans le cadre de sa thèse de médecine au sein du service brestois (2).

En effet, les IRM sont particulièrement gourmandes en énergie, avec une consommation annuelle moyenne estimée entre 80 000 et 150 000 kWh. « Peu d’études ont été menées sur ce sujet et les machines diffèrent, avec des technologies plus ou moins avancées en fonction de l’année d’installation », souligne le médecin. Une des causes est la nécessité de maintenir les électro-aimants supraconducteurs constamment alimentés, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Selon le Dr Chodorowski, pour économiser des kilowatts, les radiologues pourraient notamment jouer sur l’épaisseur des coupes et les paramètres de l’appareil.

Épaisseur des coupes et paramètres

Ce travail a permis de décrire le profil électrique de deux IRM du service. Le mode « non productif », durant lequel aucun examen n’est effectué, qui représente 80 % du temps de fonctionnement, est responsable de 60 % de la consommation énergétique totale. Le mode « productif », qui correspond à la phase active d’acquisition d’images, ne représente que 20 % du temps d’utilisation mais 40 % de la consommation d’énergie. Les puissances actives mesurées oscillent en moyenne entre 7 kWh la nuit et 20-30 kWh lors d’un examen (voire 80 kWh pour certaines séquences). « Le seul fait d’épaissir les coupes d’un millimètre permet de réduire de 30 % la consommation électrique », commente le Pr Ben Salem.

« La majorité des recherches précédentes avaient adopté une approche descriptive visant à dresser un panorama de la situation actuelle, affirme Zélie Alerte, interne en radiologie au CHU de Brest, qui a soutenu le 30 avril sa thèse intitulée, Vers une IRM durable : voies de l'optimisation énergétique et des stratégies de réduction des coûts. « Notre projet, entrepris fin 2023, propose des solutions concrètes pour optimiser cette consommation d'énergie. Une avancée majeure réside dans l'intégration récente de l'intelligence artificielle dans l'IRM. Ces innovations, intégrées aux modèles récents d’appareils, sont en train de révolutionner nos habitudes, en rendant l’acquisition d’images plus rapide. »

« La première analyse avait permis de détecter des anomalies de surconsommation, explique-t-elle. Par exemple, nous avons observé qu’une de nos IRM se réactivait automatiquement durant la nuit pour des mises à jour, mais sans revenir à son mode veille ! Le constructeur, averti en mars 2023, a effectué le correctif en décembre 2023. Nous avons aussi examiné les différentes options de veille afin d'identifier le mode le moins consommateur. L'analyse de ces données a révélé un troisième mode de surconsommation, lié à l'absence de sélection d'un mode d'extinction en fin de journée. Dans ce “mode d'oubli”, l'appareil restait en attente du patient pendant 1 h 30 avant de repasser automatiquement en veille. »

Une meilleure gestion des modes d’activité des appareils d’IRM permettrait d’économiser jusqu’à 30 % d’électricité

Optimiser les protocoles

Quelles solutions ? « Selon la pathologie recherchée, nous mettons en œuvre des protocoles différents, précise l’interne. La comparaison de l’impact énergétique entre nos protocoles standards et optimisés que nous avons conçus, à l’aide de l’IA, a permis une réduction de la consommation électrique de plus de 30 %. Cette optimisation pourrait permettre de réaliser davantage d'examens, passant de 30 à 41 protocoles pour une même fenêtre opérationnelle de 12 heures. » Par ailleurs, la prise en compte des variations tarifaires saisonnières permet de fixer comme objectif le repositionnement horaire des protocoles les plus gourmands en énergie. « Cette approche permettra non seulement de maximiser l'efficacité énergétique, mais également de réduire les coûts opérationnels », se félicite-t-elle.

« Cette recherche, lancée avec un appareil Philips équipé du modèle d’intelligence artificielle SmartSpeed, va se poursuivre sur d’autres modèles de marques différentes, annonce le Pr Ben Salem. L’objectif est de déterminer les solutions les plus performantes et optimisées. Nous envisageons de pousser l'optimisation plus loin, dès la phase de programmation des examens, en exploitant l'intelligence artificielle pour automatiser ce processus. Cela représenterait une étape cruciale vers une meilleure gestion et allocation des ressources en imagerie médicale. »

(1) Projet Mégadore lancé en 2022 par le CHU de Brest, qui réunit plus de 500 centres IRM en France et à Monaco.
(2) Chodorowski M et al. J Neuroradiol. 2024;51(2):182-9.

Neijma Lechevallier

Source : Le Quotidien du Médecin