Alors que l’utilisation et le mésusage des opioïdes ne cessent de croître dans le monde, la Société d’endocrinologie américaine a souhaité passer en revue la littérature traitant des effets de cette classe d’analgésiques sur le système endocrinien humain. « Cette revue aborde les nombreuses lacunes de la recherche liées aux effets et aux conséquences cliniques des opioïdes sur le système endocrinien », expliquent les auteurs dans Endocrine Reviews, plaidant pour une meilleure prise en charge des consommateurs d’opioïdes. « Une meilleure connaissance des effets endocriniens des opioïdes améliorerait les soins apportés aux personnes prenant des opioïdes », lit-on.
Si la société savante ne positionne pas ce travail en tant que document de recommandations, elle propose pour chaque axe étudié une approche diagnostique ainsi que des propositions de prise en charge.
Axe hypothalamo-hypophyso-gonadique
Les opioïdes inhibent la sécrétion de GnRH, des gonadotrophines et des stéroïdes sexuels, ce qui résulte en un hypogonadisme dont la prévalence varie selon l’opioïde, la dose et la durée d’utilisation. Les effets des opioïdes sur cet axe surviennent dès le début de la prise et jusqu’à cessation ou réduction des doses. Chez l’homme, l’hypogonadisme provoque dysfonction érectile, diminution de la masse musculaire, infertilité, perte osseuse, dépression ; chez la femme sont observées spanioménorrhée, aménorrhée, dépression… Est aussi retrouvée une inhibition de la sécrétion de dopamine entraînant une hyperprolactinémie. Chez la femme cela peut se manifester par une aménorrhée et une galactorrhée. Des effets négatifs directs sont possibles sur la fonction testiculaire et la qualité du sperme, bien que les données soient limitées.
Concernant l’hypogonadisme, les auteurs insistent sur l’importance d’informer les patients et de rechercher les signes, sauf chez ceux prenant des opioïdes sur un temps court (moins de 3 mois). Il est préconisé, si cela est possible, une désescalade ou un arrêt des opioïdes et, en seconde intention, un switch vers la buprénorphine, un opioïde avec un effet plus modeste sur cet axe. Enfin, chez l’homme, des essais ont montré qu’une hormonothérapie permettait d’améliorer les symptômes.
Axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien
Les opioïdes en intraveineux modifient les taux d’hormone corticotrope et de cortisol, ce qui peut se manifester par de la fatigue, des nausées/vomissements, des douleurs musculosquelettiques, des céphalées, une hypercalcémie, une hypoglycémie… Le taux de cortisol basal est bas au réveil avec une réponse inadéquate. Une insuffisance surrénale induite est possible avec un effet dose-dépendant. De plus, la pharmacodynamie, la pharmacocinétique et la pharmacogénomique des opioïdes semblent varier selon les individus. Le polymorphisme de l’enzyme CYP2D6 par exemple détermine le métabolisme des opioïdes (les patients bons ou mauvais métaboliseurs).
Pour évaluer la fonction de cet axe, les auteurs indiquent la mesure du taux basal de cortisol au matin et un test de stimulation à l’ACTH, et mentionnent qu’il n’existe pas de critères diagnostiques officiels de l’insuffisance surrénalienne due aux opioïdes. Ils préconisent toutefois l’arrêt des opioïdes et évoquent l’intérêt potentiel de mettre le patient sous glucocorticoïdes.
Effets des opioïdes sur les os
Les opioïdes interfèrent avec l’homéostasie et le métabolisme osseux (activité des ostéoblastes ou des ostéoclastes, cicatrisation osseuse) pouvant entraîner une faible densité minérale osseuse et un risque accru de fractures.
Pour les patients sous opioïdes au long cours, les auteurs recommandent une mesure de la densité minérale osseuse avec une évaluation du risque ostéoporotique, en particulier en présence d’un hypogonadisme, et renvoient aux recommandations des sociétés savantes en cas d’ostéoporose avérée. Il est rappelé également d’évaluer la nécessité d'un traitement chronique par opioïdes et la possibilité de désescalade ou d’arrêt.
Autres effets
D’autres effets endocriniens sont avancés mais avec un niveau de preuve plus faible : effet dose-dépendant d’une seule prise d’opioïdes sur la GHRH et dysfonctionnement de l’axe avec une utilisation sur le long terme ; augmentation des taux sériques de TSH avec une administration aiguë d’opioïdes, mais pas de preuves en faveur d’une dysfonction thyroïdienne ; données insuffisantes sur la vasopressine et l’ocytocine.
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