En matière de prescriptions pédiatriques ambulatoires, la France fait décidément figure de mauvais élève par rapport à d’autres États de l’OCDE. Une étude française publiée ce 25 avril dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) confirme que l’Hexagone a la main lourde comparé notamment aux pays du nord de l’Europe.
En fait, diverses études ont déjà suggéré que la France reste un gros prescripteur de médicaments, notamment en population pédiatrique. Par exemple, au début des années 2010, un premier travail fondé des données issues du Système national des données de santé (SNDS) avait révélé une surprescription préoccupante. Et depuis, le phénomène se serait même accentué, une publication datée de l’été dernier ayant rapporté une augmentation de 4 % du nombre de prescriptions pédiatriques entre 2010-2011 et 2018-2019.
Une revue systématique pour situer la France par rapport aux autres pays de l'OCDE
Si en France, cette surprescription semble donc bien quantifiée, restait cependant à situer l’Hexagone par rapport à ses voisins européens, et plus largement aux autres pays développés de l’OCDE – où « les caractéristiques épidémiologiques des principales maladies pédiatriques sont similaires ». Car les seules publications disponibles sur le sujet, datées de 1997 et 2008, apparaissent désuètes et limitées par des biais méthodologiques.
Dans ce contexte, les auteurs de l’étude parue en juillet dernier – issus du groupe Epi-Phare, de l’Inserm, des universités de Paris et de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et de l’AP-HP – ont conduit une nouvelle recherche : une revue systématique de la littérature sur le sujet. Une démarche qui les a amenés à reprendre leurs données françaises, et à se pencher sur une dizaine d’autres publications concernant l’Espagne, l’Italie, le Danemark, le Canada, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède, les États-Unis et le Royaume-Uni. Et pour comparer ces pays, les chercheurs se sont concentrés sur un indicateur : la prévalence des prescriptions pédiatriques ambulatoires, exprimées en nombre d’enfants ayant au moins une prescription pour 1 000 patients pédiatriques par an.
Près de deux fois plus de prescriptions en France qu'en Suède
Résultat : globalement, la France est bien, devant la Nouvelle-Zélande, le plus gros prescripteur de médicaments en population pédiatrique. De fait, dans l’Hexagone, la prévalence des prescriptions ambulatoires s’élève à 857 enfants pour 1 000 par an. Et ce, contre 508 au Danemark, 491 en Italie, et même 480 en Suède. Un mauvais score possiblement favorisé par un accès facilité aux soins médicaux et un niveau élevé de remboursement des médicaments.
Et l’Hexagone battrait des records de surprescriptions de certains médicaments, à l’instar des corticoïdes systémiques. De fait, comme le rapporte la présente étude, « la prévalence des prescriptions pédiatriques ambulatoires pour les corticoïdes systémiques est 108 fois plus élevée en France qu’au Danemark ».
Différences culturelles et médicales d'utilisation des corticoïdes
Un écart que les auteurs de l’étude expliquent d'abord par des différences culturelles entre les deux pays. En effet, ils évoquent une « attitude positive » des médecins français par rapport à la classe thérapeutique. En outre, les pratiques thérapeutiques françaises favoriseraient la prescription de corticoïdes. « Par exemple, pour les otites moyennes avec épanchement, les recommandations danoises suggèrent un recours rapide à la chirurgie, tandis que (…) les recommandations françaises suggèrent un traitement par corticoïdes systémiques ou nasaux pour soulager les symptômes en attendant une amélioration spontanée ou un traitement chirurgical. » Autre pathologie potentiellement particulièrement pourvoyeuse de prescriptions de corticoïdes systémiques chez l’enfant en France : l’asthme. Notamment car « le contrôle de l'asthme apparaît moins optimal dans la population pédiatrique française par rapport à d'autres pays ayant des taux d'hospitalisation plus faibles », avancent les auteurs.
Des psychotropes et des contraceptifs oraux moins prescrits en France
Mais certains médicaments pourraient aussi s'avérer sous-prescrits en France, notamment en psychiatrie. « Les patients pédiatriques (les) plus âgés au Danemark et en Suède étaient respectivement 2,3 fois et 4,4 fois plus susceptibles de se voir prescrire des psychoanaleptiques que leurs pairs français », rapportent les auteurs. Face à ce constat, ceux-ci évoquent cette fois la bonne perception des psychotropes dans les pays du Nord ainsi qu'un « accès facilité aux services psychiatriques pour la population pédiatrique en Suède » … et au contraire une potentielle « réticence à prescrire des médicaments dont le profil de sécurité à long terme est partiellement connu » dans d'autres pays comme la France.
Cette moindre prescription semble aussi concerner les contraceptifs oraux. Plus généralement, « les patients pédiatriques danois âgés de 6 ans et plus étaient 2,1 fois plus susceptibles de se voir prescrire des hormones sexuelles que leurs pairs français », indiquent les auteurs. « Dans les pays scandinaves, plusieurs facteurs sont positivement associés à l'utilisation de contraceptifs oraux ; il s'agit notamment des installations de planification familiale, des politiques sociales et des caractéristiques sociodémographiques. »
Les antibiotiques arrivent partout en tête des prescriptions chez l'enfant
Quoi qu’il en soit, certaines caractéristiques françaises se retrouvent également dans tous les pays de l’OCDE considérés. Parmi ces constantes : un plus grand risque de surprescription chez les plus jeunes enfants. De fait, dans toutes les zones étudiées, « les surprescriptions concernaient particulièrement la tranche d'âge pédiatrique la plus immature », soit les enfants de moins de 5 à 6 ans.
Par ailleurs, partout, les prescriptions les plus fréquentes concernaient les antibiotiques, bien que les pays scandinaves apparaissent plus mesurés que la Nouvelle-Zélande et la France. Parmi les 10 prescriptions pédiatriques ambulatoires les plus répandues, « celle avec la prévalence annuelle la plus élevée était toujours un antibiotique ».
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