Les troubles du sommeil précèdent l’apparition des atteintes motrices et respiratoires de la sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou maladie de Charcot, mettent en évidence les travaux d’une équipe du Centre de recherche en biomédecine (Inserm, Université de Strasbourg), en collaboration avec le centre allemand d’étude des maladies neurodégénératives (DZNE) d’Ulm.
Publiées dans la revue Science Translational Medicine, ces recherches identifient aussi de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles et proposent l’exploration d’une nouvelle famille de molécules pour contrer les effets du manque de sommeil.
« Notre étude avait pour ambition principale d’essayer de reconstituer ce qu’il se passe chez les patients avant qu’ils ne soient malades. Ces découvertes sur la chronologie des symptômes nous permettent de repenser le rôle du cerveau et particulièrement celui de l’hypothalamus dans le début de la pathologie et d’imaginer de nouvelles cibles thérapeutiques », explique Matei Bolborea, coauteur de l’étude, dans un communiqué de l’Inserm.
Différents troubles du sommeil selon la mutation génétique
Les chercheurs ont comparé les polysomnographies (enregistrement de sommeil) de personnes contrôles à ceux de patients atteints de SLA à différents stades de la maladie, grâce à un algorithme d’apprentissage profond.
Après avoir confirmé l’existence de troubles du sommeil chez les patients à un stade précoce de la maladie (début de phase symptomatique sans hypercapnie), les chercheurs ont souhaité investiguer leur présence avant que la maladie ne se déclare.
Dans différents groupes de personnes à risque génétique, les altérations du cycle de sommeil sont bien réelles mais varient selon la mutation. En cas de mutation SOD1, la durée totale du sommeil était inférieure à la normale, et l’on observe plus de réveils, une baisse du sommeil lent (plus précisément, non-REM en stade 3) mais un sommeil paradoxal normal.
Pour les patients avec une mutation C9ORF72 on retrouve une plus longue latence à l’endormissement, une hausse du pourcentage de phases de réveil et du sommeil paradoxal ainsi qu’une baisse du pourcentage de sommeil lent (baisse du sommeil non-REM en stade 2 et 3). Toutefois, quelle que soit la mutation, les chercheurs ont observé une augmentation significative de la proportion d'épisodes d'éveils après l'endormissement.
Ces résultats confirment la présence de troubles du sommeil en amont de la déclaration des symptômes moteurs, « supposément de nombreuses années auparavant », lit-on dans l’étude. Les auteurs ont aussi identifié une corrélation négative entre le pourcentage de réveils et le score cognitif ECAS (Edinburgh cognitive and behavioural ALS screen) : les altérations du sommeil chez les patients SLA influent sur la performance cognitive, notamment la fluence verbale.
Inhiber l’orexine pour ralentir la maladie
À la suite de cette découverte, les chercheurs se sont intéressés aux neurones à orexine retrouvés dans l’hypothalamus et connus pour jouer un rôle important dans la stimulation de l’état d’éveil. Sur des modèles de souris atteintes de SLA, l’équipe a montré que les circuits dans lesquels les neurones à orexine fonctionnent sont altérés par la disparition de neurones annexes au cours de la maladie.
En administrant aux souris une molécule inhibitrice de l’orexine, retrouvée dans le Suvorexant, un somnifère déjà commercialisé pour les insomnies aux États-Unis sous le nom de Belsomra, les scientifiques sont parvenus à restaurer le sommeil chez les animaux par une seule prise orale au début de leur phase de repos. Une restauration de l’activité des neurones annexes des neurones à orexine a permis, après 15 jours de traitement, une conservation des motoneurones chez les souris SOD1. Au niveau clinique, cela s’est traduit par une normalisation des éveils, une augmentation du sommeil paradoxal et une réduction du sommeil lent à des niveaux similaires aux souris sauvages non traitées.
Un essai clinique est en cours pour évaluer la molécule sur des patients atteints de SLA. L’objectif est, à terme, de tester si un sommeil restauré peut avoir un effet sur la progression de la maladie chez l’humain.
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