Il voulait être pilote. Il est finalement devenu médecin… des astronautes. À 35 ans, le Dr Stephen Alamo est aujourd’hui le seul médecin français en exercice de l’Agence spatiale européenne (ESA). Le jeune homme est également urgentiste au CHU de Toulouse où il conserve une activité de médecin de terrain.
Depuis le mois de juin, il a rallié le centre européen des astronautes de Cologne (Allemagne) pour y préparer et suivre le Danois Andreas Mogensen, qui s’apprête à participer à sa seconde mission à bord de la station spatiale internationale (ISS). Décollage prévu au mois d’août pour une durée de six mois. Pour « Le Quotidien », le Dr Alamo évoque sa passion pour la médecine spatiale et confie son rêve de voyager à son tour dans l’espace.
Comment devient-on médecin à l’Agence spatiale européenne ?
Depuis toujours, je suis passionné d’aviation et de spatial. Plus jeune, je voulais être pilote de chasse ou pilote de ligne mais je n’ai pas pu y parvenir à cause de mon daltonisme. J’ai tout de même une licence de pilote privé. Je me suis tourné vers la médecine par goût des sciences et la vocation est venue en pratiquant.
Mais la passion ne suffit pas pour devenir médecin à l’ESA. Il a fallu que j’acquière des compétences solides dans le domaine du spatial. J’ai obtenu une capacité de médecine aéronautique et spatiale ce qui m’a permis d’intégrer le Medes (Institut de médecine et physiologie spatiale), qui est une clinique spatiale implantée au sein même du CHU de Toulouse. On y étudie notamment les contremesures à mettre en place pour lutter contre les effets néfastes de la microgravité. J’y ai effectué de la recherche pendant deux ans et demi afin de postuler pour l’ESA. Une fois sélectionné par l’ESA, j’ai suivi une formation d’un an en Allemagne et à Houston. Le programme ne se limite pas au médical, on doit aussi connaître toutes les procédures de vol de l’ISS, les protocoles de communication. On s’entraîne aux procédures d’urgence…
Votre profil d’urgentiste a compté dans votre recrutement ?
Oui, c’est évident. La médecine d’urgence est mon principal champ de compétence et cela a beaucoup compté pour l’ESA. J’adore cette spécialité, qui est sans doute l’une des plus larges et des plus transversales qui existent.
Quel est votre rôle au sein de l’ESA ?
Actuellement, je suis au centre européen des astronautes de Cologne où on prépare tous les vols habités pour l’ESA. Je suis le médecin attitré d’Andreas Mogensen, l'un des astronautes de la mission Huginn qui doit rejoindre l’ISS au mois d’août à bord d’un vaisseau SpaceX Crew Dragon. Andreas a déjà connu l’espace mais ce sera son premier vol de longue durée. Il restera à bord de la station pendant six mois. Je dois d’abord m’assurer qu’il est apte sur le plan médical à suivre une telle mission, c’est la certification. On lui fait passer une batterie de tests, examens cliniques, épreuves d’effort, radio, échographie abdominale, IRM cérébrale, ECG… Je vais aussi l’accompagner pendant le vol. La procédure prévoit une consultation chaque semaine avec notre astronaute. Je dois également garder un œil sur les expérimentations médicales qu’il mène à bord dans le cadre de sa mission sur l’ISS, m’assurer qu’elles sont compatibles avec son état de santé, sa charge de travail, qu’il ait le temps de pratiquer du sport quotidiennement pour éviter un déconditionnement trop important.
La dernière étape, c’est le retour sur terre. Il y a une phase de réadaptation à la gravité qui fait suite à l’adaptation initiale du corps à ce nouvel environnement. Les astronautes sont déconditionnés au niveau cardiovasculaire, ils ont perdu de la densité osseuse, de la masse musculaire. Il y a tout un programme de réadaptation à suivre.
Comment se passe le suivi médical à bord de la station spatiale ?
Il y a des consultations hebdomadaires où on s’entretient avec notre astronaute. L’ISS dispose de matériel médical, échographe, ECG… Les astronautes peuvent faire des prises de sang, prélever des échantillons d’urine, de selles. Ils sont rapatriés par des vaisseaux cargo plusieurs fois au cours de la mission.
Quelles relations avez-vous avec votre « patient » astronaute ?
Cela fait plus de six mois que je travaille avec Andreas et on va bientôt passer quinze jours en quarantaine à Houston avec les autres membres de l’équipage et leur médecin avant le décollage au mois d’août. On a des relations très privilégiées, basées sur la confiance. Pas seulement sur le plan médical. Un astronaute doit aussi pouvoir compter sur les compétences techniques de son médecin. Par exemple, je dois pouvoir le mettre en garde sur la toxicité éventuelle d’un fluide auquel il pourrait être exposé en cas d’incident à bord de l’ISS.
Avez-vous envisagé de devenir vous-même astronaute ?
Ce serait réaliser un rêve. Mais aujourd’hui, ce n’est pas possible parce que je suis daltonien. Demain, pourquoi pas. Il y a quelques mois, l’ESA a sélectionné le premier parastronaute, John McFall. Il est lui-même médecin et a été amputé d’une jambe, il porte actuellement une prothèse et est athlète paralympique. Cela s’inscrit dans le cadre d’une étude de faisabilité. Ça montre en tout cas qu’il y a une volonté d’ouvrir les vols spatiaux à des gens qui ne sont pas spécifiquement « parfaits », sans que cela ne remette en cause la sécurité. Est-ce qu’on aura bientôt un daltonien à bord d’un vaisseau spatial ? Je l’espère !
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce