À la lumière d’une grande cohorte française sur l’utilisation du pembrolizumab dans le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) avancé, une étude menée par Gustave Roussy (Villejuif) montre la sécurité d’un arrêt de l’immunothérapie à deux ans.
Publiée dans The Lancet Regional Health, elle s’appuie sur les résultats du système national de données de santé (SNDS). A ainsi été analysée la survie de 43 359 patients traités. Pour les auteurs, la cohorte rétrospective Athena est « représentative de la population française ayant reçu un diagnostic incident de cancer du poumon entre janvier 2015 et décembre 2022 ».
« Une des conclusions majeures de cette étude est d’avoir pu observer qu’un arrêt de traitement par pembrolizumab à deux ans n’entraîne pas plus de décès qu’un arrêt plus tardif », résume pour le Quotidien le Dr Adrien Rousseau, premier auteur de l’étude. Jusqu’à présent, les données au-delà de deux ans de traitement par pembrolizumab étaient peu accessibles, car les essais cliniques limitaient le suivi à 24 mois alors que l’autorisation d’indication, elle, ne fixait pas de durée de traitement, laissant le choix à la discrétion du médecin. « C’est un résultat essentiel du point de vue économique qui rassure les cliniciens quant à l’arrêt de ce traitement onéreux à deux ans, sans perte de survie pour le patient », analyse le futur oncologue médical.
Survie médiane de 15,7 mois pour le pembrolizumab en première ligne
Parmi 391 106 patients atteints d’un cancer du poumon incident en France entre 2015 et 2022, les auteurs en ont inclus 43 359 ayant reçu du pembrolizumab d’emblée pour un stade avancé. Parmi eux, il y avait 67 % d'hommes et l'âge médian au moment du diagnostic était de 65 ans. Après un suivi médian de 25,9 mois, la survie médiane après l'instauration du pembrolizumab en première ligne était de 15,7 mois ; la survie globale de tous les patients traités par pembrolizumab était de 15,3 mois. Pour les premières lignes, le taux de survie était de 56,7 % à un an, 39,7 % à deux ans, 30,9 % à trois ans, 25,9 % à quatre ans et 22,3 % à cinq ans. Parmi les 43 359 patients inclus, 3 214 patients ont continué le traitement après deux ans.
Ainsi, au repère temporel de référence, 29 mois après le début du traitement par pembrolizumab, la poursuite du traitement au-delà de deux ans n'était pas associée à une meilleure survie qu'un traitement fixe de deux ans (HR = 0,97). Pour la Dr Stéphanie Foulon, méthodologiste de l’étude, « il serait intéressant de réaliser des essais cliniques randomisés de désescalade pour confirmer de façon certaine la possibilité d’arrêter à deux ans ».
Écart de quatre à six mois de survie entre hommes et femmes
En analyse multivariable, les auteurs retrouvent des facteurs associés à une moins bonne survie : le sexe masculin, l’association à la chimiothérapie, l'âge de plus de 60 ans, la catégorie d'hôpital, la précarité, l'hospitalisation pour la première dose de pembrolizumab, un diagnostic posé en 2021-2022, un antécédent de diabète, la prescription de diurétiques, de bêtabloquants et d’analgésiques. À noter que les soins de support et le sevrage tabagique n’ont pas été relevés dans l’analyse des données du SNDS. « Ces données assez inédites confirment par les chiffres les intuitions des cliniciens », commente la Dr Foulon. « Concernant l’année de diagnostic, nous pensons que cela correspond à l’extension d’autorisation de mise sur le marché (AMM) à des patients ayant un pronostic moins bon », poursuit-elle.
Pour le pembrolizumab en première ligne, les auteurs observent une survie médiane de 18,9 mois pour les femmes contre 14,5 mois pour les hommes ; et de 24,2 mois pour les femmes contre 18,3 mois pour les hommes quand l’immunothérapie était accompagnée d’une chimiothérapie, ce qui est le cas pour 61,3 % des patients.
De plus, « l’analyse montre qu’il y a une réelle incidence du centre où sont soignés les patients et, ce, indépendamment des inégalités socio-démographiques », expliquent les Drs Adrien Rousseau et Stéphanie Foulon. « Cela nous montre que nous avons des efforts de réseau à faire et qu’il faut mettre à disposition des expertises pour les demandes d’avis de professionnels de plus petits centres », conclut le premier auteur. Cependant, avertit la méthodologiste, « il ne faut pas l’interpréter comme le signe d’une moins bonne prise en charge des centres de plus petits volumes : l’association retrouvée n’est pas nécessairement causale ».
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