Les biomarqueurs sont un sujet d’avenir en recherche médicale. Les perspectives les plus récentes ont été présentées par le Groupement d’intérêt scientifique autisme et troubles du neurodéveloppement (GIS autisme et TND) lors de son colloque annuel le 15 novembre.
Il existe différents types de biomarqueurs : mesure du risque, diagnostic, pronostic (évolution du trouble au cours du temps), prédictif (réponse au traitement) et stratification (profils cliniques). Le Pr Jan Buitelaar, médecin chercheur sur les troubles neuropsychiatriques et du développement à l’université Radboud de Nimègue (Pays-Bas), rappelle qu’« un biomarqueur n’est utile que s’il l’est pour l’individu ».
Ainsi, tout biomarqueur identifié n’a pas vocation à s’appliquer en clinique. Plusieurs cases sont à cocher. Le glucose pour le diabète est le meilleur exemple de ce qu’on attend d’un biomarqueur : proche de la physiopathologie, facile à mesurer et prédisant le pronostic. Un facteur clé d’un biomarqueur pertinent est sa réplicabilité dans tout laboratoire mais aussi entre différents groupes de personnes.
Des biomarqueurs convergents, un idéal
Le Pr Buitelaar donne un autre exemple, celui du marqueur N170, étudié depuis quelques années. Mesuré par électroencéphalogramme, il correspond à un pic d’activité électrique à 170 millisecondes, c’est-à-dire le temps nécessaire pour reconnaître un visage. Plusieurs études ont retrouvé de manière fréquente une latence augmentée de ce pic dans l’autisme.
Il existe un recouvrement entre les latences observées chez les personnes autistes et non autistes, qui suit une courbe de Bell dans les deux groupes : ce biomarqueur ne peut donc pas être utilisé seul pour le diagnostic ou la stratification. Néanmoins, a été identifiée une corrélation entre la longueur de la latence, le nombre de variants génétiques liés à l’autisme et la probabilité d’amélioration des compétences sociales. Le N170 peut ainsi être utilisé comme biomarqueur d’enrichissement : il étoffera la compréhension des propriétés des sous-types de profils cliniques, sans pour autant les distinguer.
Pour atteindre l’idéal du biomarqueur utilisable en clinique, les médecins chercheurs explorent aussi la convergence biologique et phénotypique. « Il est peu probable que le processus biologique d’un biomarqueur ne se retrouve que dans une méthode de mesure », explique le Pr Buitelaar. Une étude en IRM fonctionnelle de reconnaissance des émotions à partir de photos a montré une corrélation entre la latence N170 et l’activation de l’amygdale ainsi que les scores polygéniques. Le constat établi dans ces deux biomarqueurs convergents est une piste pour adapter les interventions thérapeutiques au phénotype des patients : le biomarqueur reflète les symptômes, les besoins et la sévérité.
Faire du patient son propre contrôle
Dans les troubles du développement intellectuel (TDI), il est particulièrement complexe d’identifier des biomarqueurs : malgré une grande hétérogénéité génétique, on observe dans la majorité des cas un recouvrement des présentations. « En médecine génétique, nous avons appris à ne plus croire notre première impression et à suivre une approche agnostique : tester large et identifier les causes a posteriori, relate le Pr Marc Abramowicz, médecin généticien à l’hôpital universitaire de Genève. Ce peut être par exemple à travers un électrorétinogramme ou un dosage biochimique pointu. Le retour en clinique sert à trouver la preuve ».
Avec des biomarqueurs uniques à un individu ou un groupe restreint, les essais cliniques manquent de puissance statistique. Pour le Pr Abramowicz, il faut user de techniques innovantes telles que le « n of 1 » pour lequel le patient est son propre témoin en comparant le tableau clinique avant et après traitement à l’aide des biomarqueurs.
Un outil transposable dans les maladies neurodégénératives
Le « n of 1 » est aussi utile dans le cadre des maladies neurodégénératives. La professeure de mathématiques Stéphanie Allassonnière travaille à l’institut PR[AI]RIE dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA) et des données médicales. Au cours du colloque, elle a présenté un outil qui suit l’évolution de maladies neurodégénératives à partir de biomarqueurs et qui propose une projection chez un patient donné. Comme pour la taille chez les enfants, identifier un décrochage amène à un diagnostic et la courbe personnelle caractérise l’efficacité ou non d’un traitement. « Il s’agit de repositionner le biomarqueur dans une logique globale de population et de comprendre la dynamique d’une population hétérogène », expose Stéphanie Allassonnière. Cela permettrait par exemple d’anticiper la maladie d’Alzheimer quatre ans avant le diagnostic actuel, ce qui revêt un intérêt pour une mise sous traitement précoce.
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