La toute dernière mouture des recommandations aux voyageurs parues dans le BEH du 6 juin met en lumière le recul de l’épidémie de Zika qui complique paradoxalement la prophylaxie et l’émergence inquiétante de la fièvre jaune.
Un Zika endémique
Certes, l’épidémie d’infections par le virus Zika est en régression en Amérique Latine et dans les Caraïbes. Au point qu’on ne recense quasiment plus de cas dans les territoires français d’Outre-Mer, probablement parce qu’un pourcentage élevé de la population locale est aujourd’hui immunisée. Mais la situation est paradoxale, parce que, si l’infection reflue dans les régions où elle avait émergé, le virus continue à circuler, et devient endémique, non seulement en Amérique Latine, mais aussi dans beaucoup de régions du monde, notamment, en Asie du Sud-Est, où il circulait probablement à bas bruit depuis longtemps.
« Nous n’avons pas de recommandations adaptées à cette nouvelle problématique, commente le Pr Éric Caumes (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière), Président du Comité des maladies liées aux voyages et des maladies d’importation (CMVI) au Haut Conseil de la santé publique. Les règles édictées au moment des épidémies doivent-elles continuer à être appliquées pour les pays où le virus circule de manière endémique ? La réponse est loin d’être évidente ».
La vigilance s’impose toujours pour les femmes enceintes, en raison des complications fœtales, beaucoup plus fréquentes que les seules microcéphalies, « partie émergée de l’iceberg ». En pratique, que conseiller à une femme enceinte qui désire voyager dans une zone d’endémie ? « Il faut au minimum l’informer, estime le Pr Caumes. Personnellement, je ne recommanderais pas à une femme enceinte de voyager dans un pays où circule le Zika, d’autant plus que les voyages vers des pays tropicaux exposent à d’autres dangers dont on ne parle pas, comme le paludisme, qui est plus grave chez les femmes enceintes, ou l’hépatite E, associée à une mortalité maternelle très élevée au troisième trimestre de la grossesse ».
Quant à la dengue, il existe un vaccin utilisé dans quelques pays, mais il n’est pas encore commercialisé en France. L’HCSP a considéré qu’il était peu utile pour les territoires français d’Outre-Mer, en raison de son efficacité aléatoire, tout au moins pour un sérotype. Il ne concerne pas les voyageurs, puisqu’il impose trois injections sur un an.
L’approche microgéographique de la prévention antipalustre
Concernant la prévention du paludisme, les recommandations insistent sur l’importance d’une approche microgéographique, c’est-à-dire régionale plutôt que nationale, pour poser précisément l’indication de la chimioprophylaxie et éviter les traitements inutiles. Des épidémies sont survenues récemment hors des zones d’endémie classiques, en Afrique du Sud, au Botswana, au Costa Rica, au Venezuela et en Malaisie. « Mais c’est marginal, précise le Pr Caumes. La prévalence des cas au retour de voyages reste stable. Les recommandations sont inchangées. ».
La fièvre jaune arrive en ville
Deux phénomènes nouveaux sont inquiétants, notamment pour les voyageurs : la réapparition d’épidémies urbaines de fièvre jaune et le portage de bactéries multirésistantes dans le tube digestif. « La fièvre jaune est un vrai problème, souligne le Pr Caumes. On observe de nouveau des épidémies, notamment en Afrique, avec des épidémies urbaines, alors qu’il n’y en avait pas eu ces derniers temps. En Amérique Latine les régions concernées s’étendent et débordent la forêt tropicale ». Une carte détaillée du Brésil indique ces nouvelles régions à risque, pour lesquelles le vaccin antiamaril est indiqué.
Dissémination intrafamiliale de BMR
Concernant l’antibiorésistance, « il est maintenant clair qu’avoir eu un épisode de diarrhée du voyageur traité par antibiotique, surtout dans le sous-continent indien ou, dans une moindre mesure, en Asie du Sud-Est, entraîne un risque d’être infecté par des bactéries multirésistantes », ajoute le Pr Caumes. Il peut en résulter des infections urinaires à bactérie multirésistante et des cas de dissémination dans l’entourage familial ont été publiés récemment. Les recommandations sont de limiter les antibiotiques aux diarrhées associées à des signes de gravité.
Voyages aériens et drépanocytose
Un nouveau chapitre est consacré au risque des voyages aériens chez les sujets drépanocytaires. Il précise les contre-indications et détaille les précautions pour réduire le risque d’occlusion vasculaire.
La moitié des décès d’origine cardio-vasculaire
La moitié des décès au cours des voyages sont liés à des maladies cardio-vasculaires, rappelle le BEH. C’est lié au fait que beaucoup de personnes âgées voyagent. Est-ce que ces personnes auraient fait ces accidents si elles étaient restées chez elles ? En l’absence d’études avec des groupes contrôles on ne peut répondre à cette question. « Plutôt que de mortalité en voyage il faut parler de mortalité attribuable aux voyages, estime le Pr Caumes. Dans ce cadre ce sont les accidents de la voie publique qui posent le plus de problèmes ». Dans une étude publiée en 2006, ils représentaient 28 % des décès de Français à l’étranger, contre 9 % attendus, et les accidents de la vie courante 18 % (6,5 % pour les noyades), contre 5 % attendus (BEH 13 juin 2006).
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