Les travaux présentés à l’Esmo 2019 (European Society for Medical Oncology, 27 septembre – 1er octobre, Barcelone), ont confirmé les avancées en immunothérapie, et pas seulement dans le cancer du poumon. Les thérapies ciblées ont quant à elles montré des résultats probants en pneumo-oncologie, mais aussi en traitement d’entretien de première ligne du cancer de l’ovaire avancé, avec les anti-PARP. Beaucoup de ces progrès thérapeutiques posent le problème de leur coût. Sont aussi concernés les traitements comme les G-CSF (Granulocyte-Colony Stimulating Factor), luttant contre les neutropénies liées aux chimiothérapies.
Sein, poumon, ovaire : l’immunothérapie, les ITK et les anti-PARP font leur place
Cancer du sein triple négatif : le penbrolizumab pourrait tout changer. On sait que ce type de tumeur est plus difficile à traiter et a un moins bon pronostic. Ajouter du penbrolizumab (Keytruda®) à la chimiothérapie standard permet une absence de cancer résiduel (pCR-pathological complete response) chez 65 % des femmes traitées en première ligne pour un cancer du sein triple négatif, contre 51 % avec le traitement habituel, selon les résultats de l’étude Keynote-522 (p=0,00055). Le gain de survie sans événement a été estimé à 18 mois. Explication avancée : chez ces femmes, la chimiothérapie pourrait, en détruisant les cellules, favoriser le relargage d’antigènes et, de ce fait, contribuerait à faciliter leur repérage par le système immunitaire. L’immunothérapie agirait donc en synergie avec la chimiothérapie.
>Cancer du poumon : double immunothérapie et TKI troisième génération La présentation de l’étude CHECKMATE 227, qui associe deux immunothérapies (nivolumab-ipilimumab) dans le cancer du poumon non à petites cellules a été un temps fort du congrès. Même si les résultats sont impressionnants – entre 40 et 49 % de patients encore répondeurs à deux ans – la question de la place de ces traitements reste posée, dans la mesure où actuellement, en première ligne, il est déjà possible de traiter les patients par une immunothérapie exclusive ou une combinaison immunothérapie-chimiothérapie. Le coût de l’association des immunothérapies devrait inciter à restreindre les prescriptions à une sous-catégorie de patients qui n’a pas encore été définie.
Le deuxième point fort en pneumo-oncologie a été l’étude Flaura, qui comparait l’osimertinib, un inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) de troisième génération, à un ITK de première ou deuxième génération chez des patients métastatiques présentant des mutations de l’EGFR. Avec une réduction de 54 % du risque de progression, et sept mois de vie gagnés pour l’osimertinib, il est possible que les recommandations de traitement de première intention des patients métastatiques présentant une mutation d’EGFR soient modifiées. Reste encore à attendre le remboursement de ce nouveau ITK en France.
>Cancer de l’ovaire : les anti-PARP en entretien de première ligne. Les inhibiteurs de PARP (poly-ADP-ribose-polymérase) confirment la place de cette thérapie ciblée dans le traitement d’entretien de première ligne du cancer de l’ovaire avancé, selon les résultats des études PRIMA et PAOLA-1. Le premier de ces essais conclut qu’à 18 mois, le risque de décès ou de progression est abaissé de 38 % toutes femmes confondues et même de 57 % chez celles qui présentaient une mutation des gènes BRCA 1 ou 2 avec le niraparib. Après un an de traitement, 72 % des femmes sous niraparib étaient encore vivantes sans progression, contre 42 % avec le placebo.
L’étude PAOLA-1, qui évaluait l’impact de l’olaparib associé au bévacizumab (Avastin®), conclut pour sa part que le risque de décès ou de progression était abaissé de 41 % avec l’olaparib. En cas de mutation BRCA, ce chiffre s’établissait à 67 %.Maintenant que les anti-PARP ont trouvé leur place en entretien de première ligne, la question de leur intérêt en prescription simultanée avec la chimiothérapie se pose.
Cancer de la prostate localisé : fin de la radiothérapie adjuvante ?
Les risques de progression seraient identiques après une chirurgie pour cancer de la prostate localisé, qu’une radiothérapie adjuvante soit pratiquée ou non, selon les résultats d’une étude suédoise (RADICALS-RT). Ce travail mené sur 1 396 hommes a comparé le taux de progression de la maladie dans deux groupes : radiothérapie immédiate ou radiothérapie dite de sauvetage uniquement en cas de ré-ascension du taux de PSA.
Sur une période de suivi de huit ans, seuls 30 % des patients du bras observation ont été traités avec une radiothérapie de sauvetage. La survie sans métastase, la survie sans progression biologique et le recours au traitement hormonal ont été similaires dans les deux groupes.
Cet essai pourrait signer la fin de la radiothérapie adjuvante, avec son lot de complications invalidantes (incontinence urinaire, sténose de l’urètre) au profit d’une surveillance active.
Neutropénies fébriles : les biosimilaires vont faciliter la prescription
Alors que l’utilisation du G-CSF (Granocyte®, par exemple), qui stimule la multiplication des neutrophiles, est recommandée depuis les années 2010 par l’Esmo, son utilisation est limitée par son prix. Pourtant, il permet, en restaurant les fonctions immunitaires de façon accélérée, d’éviter les neutropénies fébriles dont le pronostic peut être très sombre chez des patients atteints de comorbidités (anémie, diabète, maladie rénale, etc.). En raison de son coût élevé, il est parfois remplacé par une antibiothérapie préventive dont l’efficacité est loin d’être identique.
L’arrivée sur le marché des biosimilaires du G-CSF et la commercialisation de G-CSF à longue durée d’action devraient permettre d’augmenter le taux de suivi des recommandations qui actuellement est de moins de 20 %.
Vomissements, neutropénie : 21 % des patients bénéficient des traitements
Si les chimiothérapies traditionnelles induisent des nausées, des vomissements chez plus de 90 % des patients, il est faux de croire que les nouvelles familles de médicaments oncologiques sont nettement mieux tolérées. C’est pour cette raison que l’Esmo, en collaboration avec l’Asco, propose des recommandations de prescriptions d’antiémétiques qui, hélas, ne sont pas toujours bien suivies par les oncologues.
Avec plus de dix classes médicamenteuses, il n’est pas toujours facile de se repérer dans les traitements anti-émétiques. Pour les médicaments les plus émétisants (cisplatine, anthracyclines…), à la phase aiguë, les inhibiteurs du récepteur 5HT3 (ondansétron par exemple) sont indiqués, en association avec de la dexaméthasone, des antagonistes de la substance P neurokine (aprepitant) éventuellement associés à de l’olanzapine à la dose de 5 mg / jour. Cette dernière molécule est en revanche indiquée de façon plus personnalisée lorsque le potentiel d’induction de nausées est modéré ou faible (platine).
Lorsque les risques individuels sont élevés – femme, jeune âge, personnalité anxieuse, mal des voyages, nausées en cours de grossesse – d’autres traitements peuvent être associés tels que les benzamides (métoclopramide), les benzodiazépines, les neuroleptiques classiques (halopéridol), les neuroleptiques atypiques (olanzapine), les cannabinoïdes (dronabinol, nabilone), les antihistaminiques (hydroxyzine) et les extraits de gingembre.
L’utilisation de ces traitements permet de diminuer les symptômes chez 90 % des patients voire de les atténuer très fortement chez 75 % d’entre eux. Pourtant, en 2019, seuls 21 % des patients sous chimiothérapie étaient traités selon les recommandations, d’après une étude menée par l’ASCO.
Le vaccin HVP pour tous ?
Au dernier congrès de la Société française d’ORL (septembre 2019), les spécialistes avaient alerté sur l’augmentation de l’incidence des tumeurs oropharyngées liées à l’HPV. L’Esmo fut l’occasion de signaler qu’en 2018, aux États-Unis, l’incidence des cancers de l’oropharynx (dont 88 % sont liés aux HPV et qui concernent majoritairement les hommes) a dépassé celle des cancers du col de l’utérus (respectivement 13 000 cas et 11 500). C’est pour cette raison que l’idée d’une vaccination globale contre l’HPV des hommes et des femmes de tous âges commence à faire son chemin.
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