Amibiase, paludisme, bilharziose, fièvre jaune… Si les maladies exotiques sont nombreuses, elles ne sont plus les principales pathologies contractées par les voyageurs. En effet, « au retour d’un voyage, les infections banales et les maladies cosmopolites sont plus fréquentes que les maladies tropicales, estime le Pr Éric Caumes (président du Comité des maladies liées au voyage et des maladies d’importation, Haut Conseil de la Santé Publique). On voit ainsi bien plus de pneumopathies et d’infections cutanées ou urinaires ! Par exemple, chez la femme qui voyage, le premier risque c’est l’infection urinaire à germe potentiellement résistant aux antibiotiques classiques ».
Sans oublier les piqûres d’insectes et d’arthropodes, qui peuvent se surinfecter en plus de véhiculer des infections virales comme la dengue, aujourd’hui en pleine expansion. Par ailleurs, les coups de soleil restent le principal problème dermatologique chez le voyageur et font le lit des cancers de la peau de demain. « Raison pour laquelle les recommandations sanitaires pour les voyageurs (parues dans le BEH du 4 juin dernier, Ndlr) ont mis l’accent cette année sur les risques liés à l’exposition solaire », commente le Pr Caumes, qui insiste sur l’importance d’une éducation des patients afin qu’ils se protègent efficacement : vêtements longs, crèmes solaires, lunettes.
Paludisme? : faut-il abandonner la prophylaxie ?
Toutefois, le paludisme reste une préoccupation majeure. Non pas tant par le nombre de cas dans le monde mais plutôt par la stratégie préventive et thérapeutique à adopter à l’avenir pour les voyageurs. En effet, aujourd’hui, le paludisme a reculé dans le monde, surtout en Asie et en Amérique latine. De ce fait, « on recense désormais moins de cas de paludisme importé en France, évoque le Dr Alain Fisch (Unité Santé Communautaire, hôpital de Villeneuve-Saint-Georges), avec des chiffres avoisinant 3 500 cas en 2011 (soit 25 % de moins qu’en 2010). Il s’agit « essentiellement des adultes migrants d’origine africaine, qui ont contracté le paludisme de retour de voyage sur le continent africain, n’ayant pas respecté la chimioprophylaxie antipaludique. Ils se croient – à tort ! – protégés par le fait d’avoir vécu durant leur jeunesse en Afrique », poursuit-il. Cette diminution du nombre de cas de paludisme soulève des interrogations sur la conduite à tenir chez le voyageur. Car hormis en Afrique, les risques associés à la prise d’une prophylaxie pourraient être devenus plus élevés que le risque de contracter un paludisme.
Faut-il alors arrêter d’avoir recours à la chimioprophylaxie antipalustre en cas de voyage en Asie ou en Amérique et proposer un traitement de réserve en cas de fièvre ? Et conserver la chimioprophylaxie uniquement pour les voyages en Afrique où le paludisme est encore un problème majeur de par sa fréquence et sa mortalité ?
« La majorité des pays européens ont déjà adopté cette stratégie de traitement de réserve. À savoir, pour les voyageurs qui se rendent en zone de faible endémie, de prendre un traitement antipaludique dès que le sujet présente des symptômes évoquant le paludisme (fièvre surtout) », indique Éric Caumes. Toutefois, la France est beaucoup plus frileuse pour élargir ce traitement de réserve. Culturellement, notre pays est orienté vers la chimioprophylaxie contrairement aux pays anglo-saxons. Le changement de mentalité n’est pas aisé. D’autant plus qu’au problème culturel, se superposent les problèmes de la balance bénéfice/risque et du coût. Car le risque de paludisme n’est pas nul : « même faible, il existe toujours et l’on doit se poser la question de l’attitude à recommander à un voyageur qui aurait de la fièvre pendant un séjour au Cambodge ou en Inde… Et s’il s’agissait d’une typhoïde, d’une pneumonie ? Cela retarderait la consultation médicale et l’administration d’un traitement adapté », avance Éric Caumes. Ensuite, côté coût, on n’a jamais bien évalué le fait de donner un traitement de réserve. « Face à cet épineux sujet, une commission du Haut Comité de Santé Publique devrait se réunir pour réfléchir à la stratégie à adopter », poursuit le spécialiste. Mais à ce jour, en France, la chimioprophylaxie reste la stratégie de mise.
Toujours en ce qui concerne le paludisme, deux nouveautés sont à noter. D’une part, l’apparition sur le marché français de deux médicaments curatifs à base d’artémisinine : le premier indiqué dans les formes graves (artésunate, en 2012) et le second dans les formes non compliquées de paludisme (association dihydroartémisine-pipéraquine, en 2013). D’autre part, toute l’Afrique subsaharienne est désormais en zone de multirésistance (zone 3) depuis le passage de Madagascar parmi les pays du groupe 3 du paludisme cette année. « Cela simplifie le message à donner aux voyageurs », indique Éric Caumes.
Grands rassemblements? : le moment pour mettre à jour les vaccinations
Autre actualité du voyage? : les grands rassemblements, tels que les Journées Mondiales de la Jeunesse 2013 qui se tiendront à Rio de Janeiro à partir du 23 juillet et le petit pèlerinage de La Mecque (Hadj) de septembre à novembre prochain. « Ces pèlerinages nécessitent une consultation de médecine du voyage et sont le moment de mettre à jour les vaccinations », insiste le Dr Fisch.
Pour les JMJ 2013, on proposera systématiquement la vaccination contre l’hépatite A et contre le méningocoque. Et, aux personnes à risque, on recommandera les vaccinations contre le pneumocoque et la grippe, même si les sérotypes circulants au Brésil risquent de ne pas être exactement les mêmes que ceux inclus dans le vaccin 2012-2013, étant donné que c’est une grippe de l’hémisphère sud dont nous ne possédons pas le vaccin dans l’hémisphère nord. Par ailleurs, il est probable que les pèlerins visiteront d’autres endroits que Rio. Il faudra donc prévoir, selon les cas, une vaccination contre la fièvre jaune (présente à quelques dizaines de kilomètres des côtes), ou une prophylaxie palustre si un séjour en Amazonie est envisagé.
En ce qui concerne le Hadj, la vaccination contre le méningocoque est obligatoire et celle contre l’hépatite fortement conseillée. Pour les sujets à risque, on recommandera la vaccination contre la grippe et le pneumocoque En outre, la crainte du coronavirus est sous-jacente. Toutefois, la situation ne semble pas à ce jour alarmante : les premiers cas d’infection par le coronavirus sont apparus il y a plus d’un an en avril 2012, avec
40cas d’infection dont 20 décès (données INVS au 17 mai 2013), la majorité des cas ayant eu lieu en Arabie Saoudite (30) et il n’y a pas eu de flambée épidémique. « Le virus semble pour le moment peu contagieux, même si une mutation ou une flambée épidémique à l’occasion d’un grand rassemblement sont toujours possibles », indique le Dr Fisch. Une extrême vigilance est donc de mise.
Il faudra aussi respecter certaines précautions devant tout cas suspect au retour : isoler les pèlerins malades et les prélever. « Mais n’oublions pas que les infections respiratoires sont les pathologies les plus fréquentes au retour de La Mecque et, dans la majorité des cas, il s’agira d’une grippe ou d’une pneumonie à pneumocoque, qui elle, peut tuer en 48 heures !», conclut le Pr Caumes. Le coronavirus a encore des concurrents de taille !
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