Entre 2000 et 2020, l’hypertension artérielle (HTA) des enfants et adolescents a presque doublé, passant de 3,2 à 6,2 %, soit 114 millions de jeunes de moins de 19 ans dans le monde. Ces résultats proviennent de la plus large méta-analyse à ce jour, rassemblant des données de quelque 96 études avec plus de 443 000 enfants à travers 21 pays.
« L’hypertension infantile est plus répandue qu’on ne le pensait et nous reposer seulement sur des outils de mesure traditionnels au cabinet engendre probablement une sous-estimation de la prévalence réelle ou de mauvais diagnostics, alerte Peige Song, chercheuse à la faculté de médecine de l’Université de Zhejiang et coautrice de l’étude, publiée dans le Lancet Child & Adolescent Health. La détection précoce et l’accès amélioré aux options de prévention et de traitement sont plus cruciaux que jamais pour identifier les enfants sujets hypertendus ou à risque d’hypertension. »
L’analyse en sous-groupe a montré que la prévalence de l’HTA infantile est passée de 3,4 à 6,53 % chez les garçons et de 3,02 à 5,82 % chez les filles. L’hypertension de stade 1 (PAS > 140-159 et/ou PAD > 90-99 mmHg) concerne 4,02 % des enfants et adolescents et celle de stade 2 (PAS > 160 et/ou PAD > 100 mmHg) en touche 0,83 %. L’hypertension de stade 2 était plus fréquente dans les articles de 2010-2025 que ceux d’avant 2009 (1,06 % contre 0,52 %). L’ensemble de ces chiffres est probablement sous-estimé puisque les auteurs évaluent à 9,2 % le taux d’enfants avec une hypertension masquée (non détectée lors d’examens de routine). Par ailleurs, 8,15 % des enfants ont une pré-hypertension, plus fréquemment chez les adolescents (11,8 %) que chez les enfants (6,97 %), avec un pic à 14 ans avant de décroître.
Des différences selon l’outil de mesure
Une corrélation a été trouvée entre l’obésité infantile et la prévalence à la hausse : 18,7 % des enfants et adolescents obèses et 7,7 % de ceux en surpoids vivent avec une HTA contre 2,4 % de ceux avec un poids normal. Aucun lien n’a cependant été identifié avec l’âge, le sexe, les conditions d’examen ou la région du monde. Les études manquent par ailleurs de données sur l’exposome (nutrition, stress, facteurs environnementaux), nécessaires pour améliorer les stratégies de prévention.
Les chercheurs ont démontré que la manière de mesurer la tension chez les enfants et adolescents peut affecter les estimations. Pour les hypertensions de stades 1 et 2, la fréquence de dépistage était plus élevée avec un tensiomètre à mercure (respectivement 6,03 et 1,40 %) comparé à un tensiomètre oscillométrique (2,72 et 0,52 %).
« La multiplication par deux de l’hypertension pédiatrique sur 20 ans doit tirer la sonnette d’alarme pour les professionnels de santé et les aidants, avertit le Pr Igor Rudan, directeur du Centre for Global Health Research à l’Université d’Édimbourg. Nous pouvons agir maintenant, par exemple en améliorant les efforts de dépistage et de prévention, pour mieux contrôler la tension artérielle des enfants et diminuer le risque de complications futures. »
Harmoniser les critères de diagnostic et le suivi
« La revue a aussi mis en évidence le manque d’harmonisation de l’évaluation de la pression sanguine en pédiatrie. Les études utilisent différentes recommandations, différents outils de mesures et différents seuils diagnostiques. (…) Ces différences méthodologiques ne sont pas triviales et affectent directement les estimations de prévalence », déclarent Rahul Chanchlani, Carissa Baker-Smith et Ruan Kruger dans un commentaire, lui aussi publié dans le Lancet Child and Adolescent Health. Ils félicitent les auteurs pour « leur étude fournissant le tableau le plus complet à ce jour de l'hypertension infantile ».
Le dépistage de l’hypertension infantile devrait être intégré dans la prévention des maladies non transmissibles. « Des critères diagnostiques harmonisés, un suivi étendu hors cabinet et une surveillance en fonction du contexte sont des étapes à venir essentielles », écrivent-ils, insistant sur l’éducation « cruciale » des professionnels de santé, familles et politiques. Des interventions adaptées aux réalités de terrain sont à tester, par exemple en milieu scolaire ou en pharmacie.
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