Le Danemark, bon élève de la pandémie de Covid-19

Par
Publié le 01/03/2024
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : BURGER / PHANIE

Quatre ans après le début du Covid-19, la comparaison des stratégies de crise des différents pays fait ressortir le Danemark comme un modèle intéressant à suivre. C’est ce qu’a rapporté le Pr Arnaud Fontanet, médecin épidémiologiste et chercheur, lors d’une conférence sur les leçons de la pandémie organisée par l’Institut Pasteur. La stratégie du « Agir tôt et fort » y a porté ses fruits en matière de contrôle de la mortalité et de maintien de l’économie.

« Les virus respiratoires sont les plus à même de remettre nos sociétés à genou comme l’a fait le Sars-CoV-2 », expose le Pr Fontanet, de l’Institut Pasteur et du Conservatoire des arts et métiers. « Il s’est différencié d’autres virus comme le Sras ou le Mers par son taux de reproduction élevé et la possible contagion même en l’absence de symptômes », décrit le professeur de santé publique.

Selon The Economist cité par l’épidémiologiste, la mortalité liée au Covid peut être estimée actuellement à 25 millions de décès en excès à l’échelle mondiale. La pandémie s’est également accompagnée de conséquences sur la santé mentale, notamment des adolescentes, et l’éducation des enfants, en particulier dans les pays aux moyens limités (deux trimestres perdus versus un seul dans les pays industrialisés). Enfin, le Fonds monétaire international estime à 12 500 milliards de dollars la perte de PIB mondial. Le bilan est lourd, mais comme le rappelle le Pr Fontanet : « Il existe une tendance forte aux virus émergents et nous devons nous attendre à de nouvelles pandémies, il faut nous y préparer. »

Une carte du monde et cinq stratégies

L’épidémiologiste de l’Institut Pasteur recense cinq stratégies distinctes de contrôle de l’épidémie à l’échelle mondiale : le Stop and go, agir tôt et fort, le zéro Covid et sa version soft, l’immunité collective. Si la France a adopté la stratégie du Stop and go qui consiste à « améliorer l’acceptabilité des mesures sur le court terme avec une alternance de contrôle et de relâchement selon la saturation des hôpitaux », le Danemark a opté pour une stratégie « Agir tôt et fort ».

Ainsi, le 11 mars 2020, alors qu’une dizaine de patients seulement sont hospitalisés, la Première ministre du Danemark, Mette Frederiksen, annonce l’adoption de mesures fermes : télétravail, fermeture des écoles, des bars et restaurants, restriction de circulation dans les lieux publics… Le Danemark se démarque de certains de ses voisins européens ayant attendu une flambée des cas pour mettre en place des mesures, malgré les alertes de l’Organisation mondiale de la santé.

Tout juste après la mise en place des mesures, le pays connaît un pic d’hospitalisation des personnes infectées en amont des mesures, mais le nombre d’hospitalisations baisse ensuite drastiquement pour rester bas jusqu’à l’arrivée de la vaccination. « Ils ont ensuite tout lâché en 2022, après l’arrivée d’Omicron, la mortalité a grimpé puis tout est retombé. Le pays avait alors une couverture vaccinale de plus de 80 % », raconte le Pr Fontanet. Fin 2022, le Danemark comptait un peu moins de 700/1 000 000 décès en excès, son maximum, contre environ 1 900/1 000 000 pour la France, et plus de 4 000/1 000 000 en Italie (Human Mortality Database, 2022). « La théorie en épidémiologie disait que stopper le virus dès le début était le plus efficace. Le Danemark l’a fait et les choses se sont passées comme la théorie le disait », commente le Pr Fontanet.

Le chercheur de l’Institut Pasteur nuance cependant ces bons résultats en rappelant la taille du pays (un peu moins de 6 millions d’habitants) et l’adhérence de la population aux mesures imposées par leur gouvernement et à la vaccination.

La stratégie du Stop and go à double tranchant

En Europe de l’Ouest, la stratégie du Stop and go a été plus utilisée quand les pays scandinaves comme la Suède ou la Finlande ont préféré celle de l’immunité collective. En France, « les décès en excès sont estimés actuellement à 170 000 selon Santé publique France, la Dress et l’Inserm », rapporte Arnaud Fontanet. « Le confinement a permis de geler les chiffres du Covid sur toute la France. Après la première vague, seuls 5,3 % de la population avaient été infectés (majoritairement en Île-de-France et dans l’Est). En réalité, la stratégie de Stop and go est pénalisante, car le pays peine à obtenir une immunité collective (deux tiers de la population), il faut attendre le vaccin pour compléter cette immunisation. De plus, il est intéressant de noter que le Danemark possède deux fois moins de lits en soins intensifs que la France ou le Royaume-Uni, proportionnellement à sa population. Leur stratégie a permis de ne pas saturer les services de soins directement. »

Enfin, le professeur cite le cas des îles comme l’Australie (environ 850/1 000 000 décès en excès fin 2022), la Nouvelle-Zélande (-83/1 000 000 décès en excès), la Corée du Sud (1 200/1 000 000) ou encore le Japon (860/1 000 000 décès en excès) qui, bien qu’ayant des stratégies différentes (zéro Covid et sa version soft avec du traçage de contacts et des isolements), ont pu mieux contrôler les entrées et confiné localement. « Mais le zéro Covid implique de bien vacciner sa population qui n’aura aucune immunité collective », souligne l’épidémiologiste.


Source : lequotidiendumedecin.fr