Pour l’intubation en urgence des nouveau-nés, un essai clinique met en évidence une meilleure efficacité de la laryngoscopie assistée par vidéo (équipée d’une caméra à l’extrémité de la lame) comparée à la laryngoscopie par observation directe. Portant sur 214 nourrissons, l’étude irlandaise montre une amélioration significative de leur pronostic à l’intubation. La laryngoscopie assistée par vidéo a permis une intubation au premier essai pour 74 % des enfants, contre seulement 45 % pour la laryngoscopie directe. Autrement dit, le nombre médian d’essais d’intubation est d’un pour la laryngoscopie vidéo et de deux pour la laryngoscopie directe. Les résultats ont été publiés le 5 mai dans The New England Journal of Medicine.
Pour les urgences en néonatalogie, la rapidité d’intubation est cruciale. Le Pr Alexandre Lapillonne, chef du service de néonatalogie et de réanimation néonatale à l’hôpital Necker-Enfants malades (Paris), applaudit cette étude aux « résultats extraordinaires ». Le médecin explique que la réduction du nombre d’essais permet de limiter fortement la survenue d’incidents de type bradycardie, désaturation et arrêt cardiaque. Dans l’étude, la laryngoscopie assistée par vidéo permet de passer d’une saturation minimale en oxygène de 68 % à 74 %.
La Dr Stéphanie Brunet, praticien hospitalier au service de néonatalogie et de réanimation néonatale à l’hôpital Necker-Enfants malades et au Smur de l’hôpital Robert-Debré (Paris), commente son expérience de terrain avec la vidéolaryngoscopie : « Cette technique est moins traumatisante pour l’enfant car la lame est en plastique souple. J’observe moins de saignements, on tire moins fort sur la bouche du nourrisson ». Au Smur comme au CHU, les deux médecins considèrent la vidéolaryngoscopie comme indispensable : « On ne peut plus s’en passer. »
Un intérêt majeur dans l’apprentissage des internes
En France, cette technologie est utilisée pour la formation des internes. En laryngoscopie classique, ces derniers ont en effet tendance à réaliser plusieurs essais infructueux, le temps d’acquérir leur savoir-faire. Généralement, les médecins seniors qui supervisent attendent deux essais avant de prendre la main. Ils sont dans l’incapacité de guider les étudiants, qui sont les seuls à pouvoir observer la trachée.
« Pour l’enseignement, il s’agit d’une technique qui marche excessivement bien pour les internes en néonatalogie et en pédiatrie, se réjouit le Pr Lapillonne. Il est systématique en début d’apprentissage que les étudiants aient du mal et fassent plusieurs essais. » Le médecin qui supervise les internes peut suivre sur l’écran le déroulé de la manipulation et guider en direct les mouvements. C’est rassurant aussi pour les internes, et le succès des intubations s’en retrouve significativement amélioré. La Dr Brunet précise : « Parfois l’interne est mal positionné, parfois la glotte est trop haute. En le repérant sur l’écran, on peut corriger le tir rapidement ».
Nous devons absolument changer nos pratiques et utiliser cette technique de manière systématique
Pr Alexandre Lapillonne, hôpital Necker (Paris)
Le frein des habitudes
Malgré son intérêt, son utilisation en clinique ne s’est pas encore démocratisée au-delà de l’enseignement. Dans son service de l’hôpital Necker-Enfants malades, la Dr Stéphanie Brunet estime le recours à la laryngoscopie assistée par vidéo à hauteur de 10 à 20 %. La technique reste peu utilisée pour l’intubation d’urgence mais l’est pour administrer du surfactant par la technique Lisa.
Pourquoi les médecins ne s’approprient-ils pas davantage la vidéolaryngoscopie ? Les deux techniques présentent des subtilités en pratique, avec lesquelles il faut se familiariser. « Une intubation génère beaucoup de stress et chaque médecin va privilégier ce qu’il maîtrise le mieux », précise le Pr Lapillonne au Quotidien. Le laryngoscope direct est métallique et très rigide alors que le vidéolaryngoscope est en plastique souple, ce qui influe sur le positionnement dans la trachée. Le champ de vision diffère aussi en étant particulièrement rétréci avec le flux vidéo et déporté sur l’écran. La Dr Brunet commente : « Il faut complètement réapprendre à intuber. Les médecins seniors n’ont pas nécessairement la volonté d’acquérir de nouvelles connaissances pratiques ». Et le Pr Alexandre Lapillonne d’enchérir : « Nous devons absolument changer nos pratiques et utiliser la vidéolaryngoscopie de manière systématique ».
L. E. Geraghty et al., N Engl J Med, 2024;390:1885-1894
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