Le 25 mai 1720, le bateau le "Grand-Saint-Antoine", en provenance du Proche-Orient, arrive à Marseille après un long périple en Méditerranée qui l'a emmené jusqu'à Saïda, au Liban. Dans cette ville il a embarqué des tissus de soie destinés à être vendus à la foire de Beaucaire, qui se tient chaque année en juillet, et des sacs de cendre destinés au lest et afin d'absorber l'humidité des cales pour assurer une meilleure conservation des précieuses étoffes. Le consul Poullard, qui ignore que la peste sévit à Damas, délivre une patente nette alors que le chargement est probablement contaminé. Sur le chemin du retour,
Le navire fait escale à Tyr et complète sa cargaison par de nouvelles soieries, elles aussi contaminées. Puis le navire fait voile vers Marseille, mais doit mouiller à Tripoli, endommagé à la suite d'une violente tempête. Le vice-consul de Tripoli, Monhenoult, délivre également une patente nette. Le 3 avril 1720 le navire se dirige vers Chypre après avoir embarqué quatorze passagers. Le 5 avril un Turc meurt à bord et son cadavre est jeté à la mer. Les passagers descendent à Chypre et le navire repart le 18 avril 1720 en direction de Marseille. Cinq personnes vont alors mourir successivement dont le chirurgien de bord.
" Fièvre maligne pestilentielle "
Avant d'arriver à Marseille, le "Grand-Saint-Antoine" mouille dans la rade du Brusc, à proximité de Toulon, le capitaine Chataud voulant prendre l'avis des armateurs sur la conduite à tenir avant d'arriver à Marseille. Une partie de la cargaison appartient à plusieurs notables de Marseille dont le premier échevin Jean-Baptiste Estelle. Informations prises, Le "Grand-Saint-Antoine" se dirige vers Livourne où il arrive le 17 mai. Les autorités portuaires interdisent au navire d'accoster et le font mettre à l'ancre dans une crique gardée par des soldats. Le lendemain trois personnes décèdent à bord. Les cadavres sont examinés par des médecins qui concluent à une « fièvre maligne pestilentielle , ce qui à l'époque ne désignait pas la peste. Les autorités de Livourne mentionnent au dos de la patente de Tripoli qu'elles ont refusé l'entrée du navire dans le port à cause de la mortalité d'une partie de l'équipage, en raison de cette fièvre.
Le Capitaine Chatud décide alors de rentrer à Marseille et, à son arrivée, il se rend au bureau de santé faire sa déclaration à l'intendant semainier Tiran. Il produit les lettres de patente nette qui lui ont été données dans les différents ports où il a fait escale. Les patentes sont des certificats délivré par les consuls des ports orientaux aux capitaines des vaisseaux désirant rentrer en France, qui précise l'état sanitaire de la ville. Quand la patente est nette cela signifie que rien de suspect n'existe dans la région au moment du départ du vaisseau.
Mais, le 27 mai, un matelot meurt à bord et le bureau de santé, à l'unanimité ,décide d'envoyer le bateau à l'île de Jarre, et de faire transférer le cadavre aux infirmeries pour examen. le vaisseau est alors contraint de mouiller devant l'île de Pomègues, dans l'archipel du Frioul. Le 29 mai ce même bureau décide, fait inhabituel, de faire débarquer aux infirmeries les marchandises de valeur tandis que les balles de coton doivent être transférées à l'île de Jarrec .
Le 3 juin, le bureau revient sur sa position et prend une décision encore plus favorable aux propriétaires de la cargaison : toutes les marchandises seront débarquées aux infirmeries. à la suite sans doute des interventions des négociants qui voulaient sauver les soieries destinées en partie à être vendues à la foire de Beaucaire qui devait avoir lieu le 22 juillet 1720. Le 13 juin, veille du jour de sortie de quarantaine des passagers, le gardien de santé du vaisseau meurt. Le chirurgien de service du port, Gueirard, examine le cadavre et conclut à une mort par vieillesse, sans observer des marques de peste .
40 000 morts à Marseille, 120 000 dans toute la Provence
Le 25 juin, un mousse décède ainsi que plusieurs portefaix qui ont manipulé les ballots de coton. Le bureau de santé décide alors de transférer le vaisseau à l'île de Jarre, de faire brûler les habits des personnes décédées et d’enterrer les cadavres dans de la chaux vive. Mais il est déjà trop tard car des tissus sont sortis en fraude des infirmeries. Dès lors la peste va se répandre dans Marseille comme une trainée de poudre. Les puces porteuses du bacille de Yersin qui infestaient les soieries vont alors accomplir leur oeuvre de mort.
La peste s’étend rapidement dans la cité phocéenne provoquant près de 40 000 morts dans une ville qui comptait 90 000 habitants, et, au total, près de 120 000 morts dans toute la Provence.
Nous reviendrons sur le déroulement de cette épidémie dans notre éphéméride du 28 mai.
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