Syncopes, beaucoup d’hospitalisations inutiles
Les syncopes sont fréquentes, et par l’inquiétude qu’elles suscitent, entraînent une hospitalisation dans environ un cas sur deux. Pourtant, une démarche clinique simple peut évaluer leur risque potentiel, et permettre de mieux cibler les patients à hospitaliser, comme l’a expliqué le Pr Jacques Mansourati (Brest) en revenant sur les récentes recommandations européennes dédiées à ce sujet.
La syncope repose sur un mécanisme univoque, la baisse du débit sanguin cérébral, qu’elle soit réflexe (60 %), cardiogénique (15 %, plus souvent chez les gens jeunes) ou par hypotension orthostatique (15 %).
Pas d’exploration systématique « Seules trois données doivent systématiquement être recueillies pour toutes les syncopes, l’histoire clinique, l’examen physique (y compris la prise de la PA debout) et l’ECG standard », rappelle le Pr Jean-Claude Deharo (Marseille). « Les autres examens doivent être orientés, sinon on risque fort de trouver des anomalies qui ne sont pas forcément en rapport avec la syncope ! »
Le premier point, devant une perte de conscience transitoire (ou TLOC pour Transient loss of consciousness) est de savoir s’il s’agit d’une syncope, et les examens paracliniques type échodoppler des vaisseaux du cou ou scanner cérébral n’ont de place que pour éliminer d’autres causes de TLOC. Les TLOC non traumatiques recouvrent quatre grands groupes d’étiologie, la syncope, les crises d’épilepsie, les causes psychogènes ou des étiologies bien plus rares, vasculaires (syndrome du vol sous-clavier, AIT vertébro-basilaire) ou neurologiques.
L’ECG d'effort n'a d’intérêt que si la syncope a été déclenchée par l’effort ; l’hématocrite et l’hémoglobinémie sont demandés si on suspecte une hémorragie, les gaz du sang et la saturation en 02 une hypoxie, la troponine ou les D-Dimères respectivement une ischémie cardiaque ou une embolie pulmonaire. « Au terme de ces examens, on ne retrouve pas de cause certaine dans la moitié des cas ; la vraie question toutefois n’est pas celle du diagnostic, mais celle de l’évaluation du risque. On hospitalise trop de syncopes alors que la mortalité est très faible », insiste le Pr Mansourati. On considère comme étant à « haut risque majeur » les syncopes survenant après une douleur thoracique, abdominale, une dyspnée, des céphalées, ou immédiatement après des palpitations à début brutal, et celles survenant à l’effort ou en position couchée. Les syncopes sont dites à « haut risque mineur » en cas d’antécédent de mort subite dans la famille chez un sujet jeune ou de syncope survenant en position assise, sans prodromes, mais elles deviennent à haut risque majeur si ces éléments s’associent à des anomalies ECG significatives ou une pathologie cardiaque connue. Ces syncopes à haut risque requièrent au minimum une surveillance en unité d’observation voire une hospitalisation si l’évaluation et/ou le traitement sont urgents ou qu’elles risquent de décompenser une pathologie associée. Les syncopes sont à bas risque lorsqu’elles évoquent une syncope réflexe ou liée à une hypotension orthostatique : association à des sensations de chaleur, nausées, vomissements survenant après une odeur/un goût désagréables ou une douleur, en post prandial, déclenchée par la toux, la défécation, la miction ou la rotation du cou, après station debout prolongée, ou passage de la position couchée à la position assise ou debout. La plupart de ces syncopes sans gravité ne nécessiteront qu’une éducation du patient pour le réassurer et éviter les facteurs déclenchants.
Antidotes des AOD, un intérêt symbolique avant tout ?
Faute de tests de surveillance spécifique et d’antidotes dédiés, l’arrivée des anticoagulants oraux d’action directe (AOD) a fait craindre initialement la survenue d’hémorragies incoercibles. Depuis, la recherche s’est attelée au développement d’agents de réversion. Mais l’intérêt de ces antidotes pourrait être surtout symbolique. D’ailleurs, avant les AOD, les seuls antidotes vrais étaient le sulfate de protamine pour les héparines, aucun antidote utilisable en urgence n’existant pour les AVK et les antiagrégants plaquettaires.
Alternatives Pour les AOD, le seul antidote spécifique actuellement disponible est l’idarucizumab, qui neutralise à 97 % l’activité du dabigatran et est indiqué en cas d’urgence chirurgicale dans un délai inférieur à huit heures ou de saignements incontrôlés ou menaçant le pronostic vital. Dans une étude sur 503 patients (moyenne d’âge 76 ans) chez qui l’idarucizumab a été nécessaire – 301 pour une hémorragie cérébrale ou digestive et 202 pour une urgence chirurgicale (orthopédique, digestive, cardiovasculaire), – la mortalité à trois mois se situe à 18/19 %, ce qu’on retrouve dans les données françaises. Les recommandations du GIHP (Groupe d'intérêt en hémostase périopératoire) le préconisent d’emblée dans les hémorragies vitales survenant sous dabigatran non contrôlées par un geste hémostatique. « La tolérance est bonne, mais son bénéfice clinique par rapport aux CCP (complexes prothrombiniques non activés) n’a pas été clairement démontré, alors que son prix est de 1 500 euros vs 700 et qu’il est assez peu utilisé (15 patients en 4 ans au CHU de Marseille !) » remarque le Dr Laurence Camoin, hématologue (Marseille).
Pour les autres AOD, on utilise dans les mêmes indications le CCP ou le FEIBA (facteur VIIa recombinant humain). L’andexanet, l’antidote « universel », a une AMM conditionnelle en Europe, mais les données disponibles sont peu nombreuses et surtout le risque thrombotique est encore à évaluer alors qu’il a fait l’objet d’une alerte de la FDA en 2018.
Anti cancéreux, attention aux patients « cardiaques »
On connaît bien les effets cardiovasculaires (CV) des anti-angiogéniques, en particulier sur le plan tensionnel. Mais les traitements oncologiques révèlent d’autres iatrogénies cardiovasculaires, comme les traitements à visée anti-androgénique du cancer de la prostate (CP) ou certaines thérapies ciblées.
La déprivation androgénique, qu’elle soit secondaire aux anti-androgènes, aux agonistes ou aux antagonistes de la GnRH voire à l’orchidectomie, favorise la graisse abdominale, l’insulinorésistance, la vasodilatation et les états pré-thrombotiques. Les grandes méta-analyses concluaient que l’hormonothérapie était bénéfique sur la mortalité globale et neutre vis-à-vis du risque cardiovasculaire, tout en précisant que cela ne s’appliquait pas aux personnes ayant des antécédents cardiovasculaires, ce qui n’est guère rassurant s’agissant d’une population d’hommes âgés ! « Aucun essai randomisé mené dans le CP ne fournit de données sur le risque CV parce qu’il n’a pas été évalué, alors que les observations dans la vraie vie montrent très clairement que la morbimortalité CV est majorée par la carence androgénique », alerte le Dr Jennifer Cautela (CHU de Marseille, groupe méditerranéen de cardiologie oncologique). Sous agonistes ou antagonistes de la GnRH, les infarctus du myocadre (IDM) sont multipliés par un facteur 1,57, les AVC par 1,51 et les évènements CV par 1,24 après orchidectomie et par 1,21 pour les anti-androgènes. Les complications CV surviennent très précocement après le début du traitement, quel qu’il soit, dans les 6 à 12 mois, d’autant plus rapidement et plus fréquemment qu’il existe des antécédents CV.
Complications athéro-thrombotiques Les thérapies ciblées et les inhibiteurs de la tyrosine-kinase sont aussi concernés, notamment pour les patients atteints de leucémie myéloïde chronique (LMC), avec « un surrisque de complications athéro-thrombotiques, où s’intriquent des facteurs liés au terrain, à la maladie et au traitement », explique le Dr Stéphane Ederhy (hôpital Saint-Antoine, Paris). Une étude menée aux USA révèle que chez les patients atteints de LMC, la prévalence des facteurs de risque est importante, parfois plus que dans la population générale. Ils ont deux fois plus d’antécédents cardiovasculaires pour lesquels ils ne sont pas traités de manière optimale et il existe une mortalité CV certaine imputable à la maladie avant tout traitement.
Les molécules n’ont pas toutes le même impact. Il serait faible pour l’imatinib, tandis que les complications athérothrombotiques sont très augmentées par les nilotinib, dasatinib et ponatinib, avec en particulier des thromboses coronaires ou des artères de jambe responsables d’amputations dans 25 % des cas malgré les traitements. Si en théorie, ces évènements surviennent de façon retardée, en pratique on les rencontre plus précocement. La plupart s’observent chez des patients à haut risque CV, et sont favorisés par la poursuite du traitement (avec un nombre croissant de récidives), les doses utilisées et leur accumulation. Ces inhibiteurs de la tyrosine kinase interfèrent avec la genèse de l’athérosclérose, le fonctionnement myocardique, les métabolismes glycémiques et lipidiques, et interviennent au niveau de l’endothélium, des plaquettes, des macrophages, et des lymphocytes : non seulement elles provoquent l’athérosclérose mais elles favorisent la rupture de plaques. « Le choix thérapeutique doit désormais tenir compte non seulement des caractéristiques de la maladie, mais aussi du niveau de risque CV », conclut le cardiologue.
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