Faut-il ou non traiter les hypothyroïdies frustes ? Alors que le sujet prête à discussion depuis de nombreuses années, une méta-analyse récemment publiée dans le JAMA apporte de nouveaux arguments en faveur de l’abstention thérapeutique.
Ce travail a passé au crible vingt et une études randomisées dont 2 essais indépendants de grande envergure parus dernièrement (ZhaoM et al., Thyroid, 2016/Stoot DJ et al., NEJM, 2017).
Regroupant près 2192 patients au total, ces études se sont intéressées à l’impact du traitement par lévothyroxine sur un ou plusieurs des items suivants : qualité de vie générale, symptômes en rapport avec l’hypothyroïdie (fatigue, fonction cognitive, douleur, force musculaire, tension artérielle, indice de masse corporelle), événements cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, revascularisation), mortalité ou effets indésirables (hyperthyroïdie par surdosage).
L’analyse des données montre que le traitement permet certes de revenir à des taux de TSH normaux contrairement au placebo (TSH comprise entre 0,5-3,7 mUI/l sous hormonothérapie thyroïdienne vs 4,6-14,7 mUI/l sous placebo). Mais elles ne mettent en évidence aucun bénéfice ni sur la qualité de vie ni sur les symptômes thyroïdiens (différence moyenne normalisée : 0,01). Quant aux événements cardiovasculaires majeurs, l’étude ne permet pas de conclure un seul essai s’étant penché sur cette question.
Pour les auteurs, ces résultats « ne plaident donc pas en faveur de l'utilisation systématique de l'hormonothérapie thyroïdienne chez l'adulte atteint d'hypothyroïdie infraclinique ».
Une conclusion qui vient conforter, plus de 10 ans après, les recommandations émises en 2007 par la HAS.
Dans ces guidelines, les experts appellent à lever le pied sur le dépistage en population générale pour ne cibler que les situations à risque d’hypothyroïdie avérée soit les femmes de plus de 60 ans avec facteurs de risque (antécédents thyroïdiens, traitement type amiodarone, lithium, interféron).
En présence d’une hypothyroïdie fruste (TSH > 4 mUI/l sur 2 dosages réalisés à 1 mois d’intervalle, sans anomalie de la T4L), le recours au traitement n’est préconisé qu’en cas de risque élevé de conversion (TSH > 10 mUI/l et/ou présence d’anticorps anti-thyroperoxydase -anti-TPO-). Pour les situations intermédiaires (TSH entre 4 et 10 mUI/l), l’instauration d’un traitement peut aussi se discuter devant la présence d’anticorps anti-TPO ou de signes cliniques très évocateurs d’hypothyroïdie et devant une hypercholestérolémie. Enfin, en cas de risque faible de conversion (TSH < 10 mUI/L et absence d’anticorps anti-TPO), il est recommandé de surveiller la TSH à 6 mois puis tous les ans.
« Le but du traitement par lévothyroxine est de prévenir la conversion en hypothyroïdie avérée, résume la HAS. Il n’améliore pas significativement les signes cliniques ni la qualité de vie ».
Pourtant, selon le JAMA, près de 90 % des hypothyroïdies frustes seraient actuellement traitées…
A noter que l'étude du JAMA, comme les recommandations de la HAS, ne concernent pas la femme enceinte chez qui le traitement peut être justifié dès que la TSH dépasse 4 mUI/l.
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