Au 30 décembre 2024, 66 cas humains d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) H5N1 ont été identifiés aux États-Unis, dont le tout premier cas sévère détecté le 18 décembre. Pour le moment, la quasi-totalité des cas est d’intensité modérée et seuls deux cas sévères sont à déplorer en Amérique du Nord, le second étant rapporté au Canada chez une jeune patiente de 13 ans. Aucun décès n’est survenu, fait rassurant comparé à la mortalité cumulative de 50 % entre 2003 et 2024 pour la souche détectée en 1997 à Hong Kong.
N’ayant constaté aucune transmission interhumaine, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies américains (CDC) maintiennent le risque de santé publique à un niveau faible mais surveillent attentivement la situation.
Pour le patient américain, l’hypothèse retenue est celle d’une contamination par des oiseaux sauvages morts ou malades dans son jardin, une première aux États-Unis, qui connaît une poussée de cas humains de H5N1. En séquençant le virus présent chez ce patient, les CDC ont identifié une mutation qui n’est pas retrouvée chez les volailles et le bétail. Cela suggère que ce changement génomique viral a lieu chez le patient, à un stade avancé de l’infection.
Son génotype D1.1 est différent du virus B3.13 qui se répand aujourd’hui, mais il est particulièrement proche d’autres virus détectés en 2024 chez des oiseaux sauvages ou d’élevage aux États-Unis. Une séquence est identique au virus retrouvé chez l’adolescente canadienne.
Nouvelle encourageante, la mutation semble avoir un potentiel vaccinal : les gènes HA du virus sont similaires à ceux ciblés par les candidats vaccins A/Ezo red fox/Hokkaido/1/2022 et A/Astrakhan/3212/2020 à quelques acides aminés près. Cela permettrait une réponse rapide en cas d’épidémie humaine.
Conjonctivite, fièvre et symptômes respiratoires
Une étude publiée le 31 décembre dans le New England Journal of Medicine (NEJM) dresse un état des lieux des 46 cas recensés du 1er mars au 31 octobre 2024 aux États-Unis : sources de contamination, équipements de protection et symptomatologie. Vingt patients ont été en contact avec des volailles contaminées et tous étaient impliqués dans des activités de dépeuplement aviaire. Pour les 25 travaillant en industrie laitière, 16 % étaient exposés aux vaches, 84 % aux vaches et au lait cru.
Les symptômes principaux étaient la conjonctivite (93 % des patients, un tiers sans autres symptômes), la fièvre (49 %) et des troubles respiratoires (36 %), avec une durée médiane de la maladie de 4 jours (à partir des données disponibles, soit 16 patients). La fièvre est plus souvent retrouvée chez les travailleurs au contact de volailles (60 contre 40 %), de même pour les céphalées (55 contre 35 %), la myalgie (55 contre 32 %) et les symptômes respiratoires (45 contre 28 %).
Le dernier patient de la série n’a pas de source identifiée. La présentation de la maladie était quelque peu différente : douleurs thoraciques aiguës, nausées et vomissements, diarrhée et faiblesse, sans symptômes respiratoires.
Un usage « sous-optimal » des équipements de protection
Une partie des travailleurs portaient des équipements de protection personnels (PPE) : des gants pour 71 % d’entre eux, une protection oculaire pour 60 % et des masques pour près de la moitié. Seul un tiers des patients utilisaient conjointement masque et protection oculaire. Des chiffres que les auteurs de l’étude qualifient de « sous-optimaux ». Ils soulèvent la nécessité de déployer des stratégies supplémentaires pour réduire le risque d’exposition.
Trente-neuf patients ont été traités par oseltamivir pendant une durée médiane de cinq jours. Les CDC ont récemment modifié leurs instructions pour l’oseltamivir, recommandant une plus longue durée de traitement pour les personnes hospitalisées et une administration biquotidienne en prophylaxie. Dans un éditorial publié dans le NEJM, les Drs Michael G. Ison et Jeanne M. Marrazzo, exerçant tous deux à l’Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses (NIAID), commentent : « Nous devons continuer à développer et tester des contre-mesures médicales. Les isolats du virus circulant sont sensibles à tous les inhibiteurs de neuraminidase, les adamantanes et le baloxavir marboxil. » En effet, ils relèvent que la patiente canadienne présentait une charge virale plus élevée dans les voies respiratoires basses et une excrétion virale prolongée malgré le traitement.
Trouver l’équilibre entre vigilance accrue et statu quo
Dans leur éditorial, les Drs Ison et Marrazzo sont formels : « La collaboration entre les investigateurs en médecine humaine et vétérinaire, les décideurs en santé publique, le système de soins et les autorités agricoles est primordiale. » Ils mettent en lumière une détection des cas H5N1 rendue possible grâce à une approche de surveillance standard qui « repose sur la confiance entre de nombreuses entités mais aussi avec les patients se présentant pour des symptômes d’intérêt, dont la conjonctivite ».
Les deux infectiologues rappellent l’importance du One Health alors qu’à date, les scientifiques manquent sérieusement de données génomiques critiques dans la compréhension de la propagation du virus. « De telles données nous offriraient aussi l’opportunité de détecter précocement les mutations à fort tropisme pour l’épithélium respiratoire », renchérissent-ils.
Avec la hausse du nombre de cas aux États-Unis ces dernières semaines, les éditorialistes invitent à trouver un équilibre entre une vigilance renforcée et le business as usual. « Sans une meilleure compréhension de l’étendue de l’exposition, de l’infection, de l’évolution du virus et sa transmission, nous serons dans l’incapacité de protéger nos communautés d’un pathogène qui s’est révélé être redoutable pour la santé humaine et animale ».
Deux nouveaux foyers de H5N1 dans des élevages français
Les 27 et 28 décembre, deux foyers d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) H5N1 ont été détectés dans des élevages français, dans l’Eure et le Calvados. Ainsi, la France perd son statut d’indemne d’IAHP qu’elle avait recouvré le 15 décembre. Pour l’instant, aucun cas humain n’a été observé sur le territoire.
En parallèle des mesures de biosécurité enclenchées (abattage, désinfection, zones de protection des élevages avoisinant etc.), la deuxième campagne de vaccination obligatoire des canards se poursuit. Il est aussi recommandé aux professionnels des filières aviaires et porcines de se vacciner contre la grippe saisonnière afin de limiter le risque de recombinaison qui faciliterait la transmission interhumaine du virus H5N1.
La France demeure au niveau de risque IAHP épizootique « élevé », au regard notamment des possibilités d’infections liées aux migrations alors que la circulation du virus chez les oiseaux sauvages est active en Europe.
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