Signe des temps, lors du récent congrès de l’EASD, toute une session était dédiée cette année à l’insuffisance cardiaque (IC) du diabétique. Une initiative qui reflète la place croissante que prend cette pathologie en terme de morbimortalité du diabète de type 2 (DT2).
Alors que la pathologie ischémique a longtemps occupé le devant de la scène, de plus en plus de données suggèrent en effet que l’IC est en passe de devenir « la complication cardiovasculaire la plus mortelle et la plus invalidante du DT2 », comme le souligne le Pr Alfred Penfornis (CHR Jean Minjoz, Besançon).
Selon les données convergentes de grandes études telles que HOPE, RENAAL, LIFE, VALUE, ADVANCE ou ACCORD, le risque pour un diabétique de développer une IC (ou d’être hospitalisé pour cette pathologie) est, en effet, désormais identique voire supérieur à celui de l’infarctus du myocarde et dépasse celui de l’accident vasculaire cérébral. Et, avec une prévalence qui ne cesse d’augmenter, l’IC est aujourd’hui au moins deux fois plus fréquente chez les sujets diabétiques de type 2 qu’en population générale.
Pour le Pr Penfornis, cette modification de l’épidémiologie des complications du DT2 est certainement le signe d’une meilleure prise en charge.
« Jusqu’à maintenant le patient voyait son pronostic menacé de façon précoce par l’infarctus du myocarde et l’AVC, analyse-t-il. Or, grâce aux stratégies de prévention primaire et secondaire, il y échappe désormais, au risque de développer ultérieurement une insuffisance cardiaque et rénale. » L’IC du diabétique peut-être d’origine coronarienne, mais elle peut aussi être générée par l’atteinte microvasculaire – voire métabolique – du myocarde : la cardiomyopathie peut alors conduire jusqu’à l’insuffisance cardiaque qui est, dans ce cas, plus souvent à fonction systolique conservée.
Une prise en charge exigeante
Dans tous les cas, parce que la combinaison d’un diabète et d’une insuffisance cardiaque confère un risque de décès multiplié par 12, la prise en charge de l’IC chez le diabétique doit être exigeante. « Toutes les molécules utilisées chez le non-diabétique sont efficaces chez le diabétique : bloqueurs du système rénine angiotensine, bêtabloquants, aldactone, cette dernière étant sous utilisée chez ces patients », précise le Pr Penfornis : En parallèle, l’accent doit être mis sur le contrôle de la pression artérielle avec des cibles de tension artérielle de 140/85 mmHg selon les dernières recommandations ESC-EASD (lire encadré ci-dessous).
De plus, l’emploi de statines est bénéfique chez le diabétique dans l’optique de prévenir l’insuffisance cardiaque, comme l’ont montré les études 4S et TNT : chez les patients diabétiques traités par statines, le taux d’IC était réduit de 2% en valeur absolue dans la première (de 10 à 8%) et passait de 3,3 à 2,4% dans la seconde. En revanche, il existe très peu d’éléments forts pour estimer l’effet de la prise en charge glycémique intensive ou non sur l’incidence et la mortalité par IC.
Une place de choix pour la metformine
Concernant le choix de l’antidiabétique, les patients insuffisants cardiaques étant généralement écartés des essais randomisés (voir encadré p. 15) la question est difficile à trancher. Néanmoins, selon les études observationnelles convergentes, la metformine ressort comme une molécule plutôt sûre chez l’IC et, en dépit des limites de ces études de cohortes, les patients sous metformine développent moins d’IC que ceux sous d’autres molécules, en particulier les sulfamides. De plus, chez les patients diabétiques et insuffisants cardiaques, la mise sous metformine est associée à une réduction des taux d’hospitalisation et de mortalité. « Il y a peu de temps, l’IC était considérée comme une contre-indication absolue à la mise sous metformine?», rappelle le Pr Penfornis. Aujourd’hui, elle n’est à éviter que chez l’IC instable et très sévère (stade 4 notamment) du fait du risque d’hypoxie majeure et donc du développement d’une acidose lactique. Chez l’IC stable, la metformine est à utiliser à posologie habituelle en tenant compte bien entendu de l’insuffisance
rénale.
Les glitazones (non disponibles en France), par un phénomène de rétention hydrosodée ne sont pas « cardiotoxiques » mais peuvent révéler une IC latente.
Pour leur part, les analogues du GLP1, du fait d’effets natriurétiques et de diminution de la pression artérielle assez faibles, en addition de ceux sur l’endothélium et sur la perfusion myocardique, pourraient se révéler au minimum neutres, peut-être même bénéfiques. Les études interventionnelles de morbi-mortalité en cours (LEADER avec le liraglutide, par exemple) répondront sans doute à cette question.
Quant aux inhibiteurs de la DPP4, enzyme ubiquitaire aux nombreux substrats, l’accumulation de l’un d’entre eux pourrait-elle favoriser une insuffisance cardiaque comme le suggère l’étude SAVOR-TIMI53 (lire ci-dessous) ? Faut-il être prudent en attendant de nouvelles données ? La question est posée.
Enfin, les inhibiteurs de SGLT2 (la canaglifozine est acceptée depuis peu aux États-Unis, la dapaglifozine en Europe), de par leurs effets natriurétiques et diurétiques, pourraient – en théorie, pour l’instant – être intéressants chez les patients IC.
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