Progrès dans le traitement des cancers du sein héréditaires liés à BRCA, utilisation de plus en plus précoce de l’immunothérapie, extension de la thérapie ciblée, etc. Le congrès de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) 2021, qui s’est tenu virtuellement du 4 au 8 juin, a été l’occasion d’exposer les plus récentes avancées de la recherche en matière de lutte contre le cancer. Le Pr Christophe Le Tourneau, médecin oncologue et directeur du département d’essais cliniques précoces de l’Institut Curie (Paris), revient sur les principaux travaux présentés.
Le congrès de l'Asco vient de fermer ses portes. Parmi tous les travaux qui ont été présentés, une étude apparaît-elle particulièrement saillante ?
Pr Christophe Le Tourneau : D’abord, rappelons que la recherche prend du temps et que de ce fait, il n’est pas possible de présenter des découvertes majeures à chaque congrès. Ceci étant dit, un des principaux moments de cet Asco a été la présentation de résultats en faveur d’une extension d’indication d’un médicament de la classe des inhibiteurs de la protéine PARP, l’olaparib. Pour rappel, ces médicaments qui ciblent la protéine PARP impliquée dans la réparation de l’ADN permettent de tuer des cellules cancéreuses ayant déjà perdu par mutation un autre mécanisme de réparation de l’ADN : BRCA. Ces traitements sont donc utilisés depuis quelques années chez les personnes porteuses d’un gène BRCA muté atteintes d’un cancer du sein métastatique, de la prostate, du pancréas et surtout de l’ovaire. Là, l’étude Olympia a montré qu’un traitement d’un an par olaparib permet, après une prise en charge classique, de réduire le risque de récidive à 3 ans des cancers du sein localisés liés à BRCA, ce qui apparaît très encourageant. Cette étude pose néanmoins des questions d’accès à ce genre de prises en charge : un traitement par inhibiteur de PARP nécessitant préalablement de s’assurer de la présence d’un gène BRCA muté, et donc de décoder l’ADN tumoral, les onco-généticiens et plateformes d’oncogénétiques seront probablement de plus en plus sollicités dans le futur.
De nombreuses communications ont aussi été dédiées aux traitements d’immunothérapie. Quelle est la tendance en la matière ?
Pr C. LT : Ce congrès suggère que la place de l’immunothérapie en oncologie non seulement se confirme, mais aussi, s’étend. On administre l’immunothérapie de plus en plus tôt dans la maladie et dans la prise en charge, parfois immédiatement après la chirurgie. C’est par exemple ce qui a été présenté à ce congrès dans le cancer du rein, avec un risque de récidive moindre. De plus, l’immunothérapie tend à être de plus en plus associée à la chimiothérapie, comme dans le cancer du poumon, de l’œsophage ou de l’estomac. Et ce contrairement a ce qui était admis jusqu’à maintenant. De fait, on a cru pendant longtemps que la chimiothérapie (qui atténue le système immunitaire) et l’immunothérapie (qui stimule l’immunité) étaient inconciliables.
De même, les thérapies ciblées semblent testées dans de plus en plus d'indications…
Ce qui se dégage en matière de thérapie ciblée c’est que ces traitements qui visent directement les anomalies moléculaires spécifiques des tumeurs tendent à être utilisés de plus en plus largement, sans spécificité d’organe parfois. En fait, ces médicaments d’abord développés pour des cancers très spécifiques de localisation particulière tels que les cancers du poumon avec une mutation de l’EGFR ou les cancers du sein avec amplification de HER2 commencent à être proposés quel que soit le siège de la tumeur, pourvu que celle-ci présente l’altération moléculaire visée.
D’autres stratégies plus innovantes encore ont-elles été présentées ?
Pr C. LT : Oui. Je pense surtout à des stratégies fondées sur l’utilisation de nanoparticules. Nous avons présenté des signaux d’efficacité encourageants dans un essai de phase 1 conduit auprès d’une quarantaine de patients présentant un cancer de la gorge localisé. Plus précisément, nous avons montré que l’injection dans la tumeur de nanoparticules d’hafnium, métal a priori inerte mais capable de démultiplier la production d’électrons suite à une exposition aux rayonnements de radiothérapie, pourrait permettre de décupler l’efficacité de la radiothérapie. Ces résultats encourageants doivent toutefois être confirmés par une étude de phase 3, qui est en cours d’élaboration. Ces nanoparticules pourraient aussi permettre d’augmenter l’efficacité de l’immunothérapie. De fait, des Américains ont présenté les résultats d’une étude également très préliminaire conduite auprès de patients atteints de cancer de la gorge ou du poumon métastatique. D’après ce travail, l’injection de nanoparticules dans les métastases avant radiothérapie puis immunothérapie permet d’augmenter l’efficacité de l’immunothérapie même chez des patients non naïfs à l’immunothérapie, dont le cancer avait déjà progressé sous ce type de traitements.
Au total, face à toutes ces avancées, la chimiothérapie est-elle destinée à disparaître ?
Pr C. LT : Non, au contraire, ce congrès de l’Asco confirme la renaissance de la chimiothérapie. Non seulement les nouvelles molécules continuent d’arriver, mais surtout, des agents de chimiothérapie qu’on ne pouvait jusqu’à présent pas utiliser pour des raisons de toxicité ont récemment été testés sous forme couplée à des anticorps monoclonaux, avec de très bons résultats notamment dans le cancer du sein. Ceci confirme l’intérêt de cette approche, qui permet d’amener les molécules thérapeutiques au plus proche de la tumeur, et ainsi d’épargner les cellules saines et de réduire les effets indésirables.
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