« Historiquement dans les cancers digestifs, c’est la chirurgie qui “guérissait” les cancers, car nous retirions les organes. Mais les progrès de l’oncologie ont permis leur préservation tout en prenant en charge de plus en plus de patients », introduit le Pr Hubert Johanet, chirurgien viscéral et digestif et secrétaire perpétuel de l’Académie nationale de chirurgie. Loin de disparaître des réunions de concertation pluridisciplinaire, les chirurgiens souhaitent redéfinir leur place et les nouveaux points de vue que leur discipline peut offrir.
Les progrès des thérapies anticancéreuses
De grands progrès ont été faits dans la prise en charge des cancers de l’estomac et de l’œsophage, notamment les formes métastatiques avec instabilité microsatellitaire (MSI), grâce aux thérapies ciblées. « Il est désormais possible d’avoir une fonte totale de la tumeur sur la pièce opératoire, permettant de conserver au mieux l’organe, voire de ne pas passer par la chirurgie », détaille le Pr Philippe de Mestier du Bourg, chirurgien viscéral et digestif. Ainsi à l’avenir, le recours à l’immunothérapie devrait prendre de l’ampleur et de futures thérapies permettront peut-être de limiter les chimiothérapies.
« La connaissance des biomarqueurs a totalement révolutionné la prise en charge des cancers œsogastriques, particulièrement hétérogènes », explique-t-il, citant le récepteur HER2, la claudine, le statut PDL-1 ou encore le statut MisMatch Repair. En effet, la réponse à l’immunothérapie des patients MSI entraîne une réponse pathologique majeure, voire complète, tant pour les tumeurs localisées que métastatiques, ouvrant la voie à une abstention opératoire pour ces patients ou une stratégie de « watch and wait ». Ainsi, les avancées de la chimiothérapie, de l’immunothérapie et des thérapies ciblées marquent un réel tournant dans la prise en charge des cancers œsogastriques en permettant la préservation d’organe.
Les nouvelles techniques chirurgicales au service de la connaissance des tumeurs
L’abstention opératoire n’est pas de mise pour autant car une intervention permet pour commencer de réaliser des biopsies par voie endoscopique ou bien de réséquer des tumeurs, dont l’analyse en anatomopathologie déterminera si une chirurgie plus importante est nécessaire. « L’anatomopathologie a un rôle diagnostique, par l'examen des prélèvements biopsiques et pièces opératoires, mais aussi un rôle pronostique, voire prédictif de la réponse aux traitements par l’analyse moléculaire », expose le Pr Thierry André, chef du service d’oncologie médicale de l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP). Le spécialiste ajoute que « les tumeurs superficielles sont désormais réséquées par voie endoscopique, loin des chirurgies ouvertes plus invasives et agressives d’il y a quelques années ».
Le Pr Gabriel Rahmi, médecin spécialisé en hépatogastro-entérologie et endoscopie interventionnelle à l'hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP), détaille ainsi : « les techniques chirurgicales, dont les mini-invasives, ont progressé, et de nouvelles indications chirurgicales peuvent être posées en complément de traitements comme l’endoscopie digestive interventionnelle qui permet de traiter les lésions cancéreuses ou précancéreuses de l’œsophage et de l’estomac en préservant l’intégrité et la fonction de l’organe. Les techniques de résection telles que la dissection sous-muqueuse permettent de traiter des tumeurs étendues et de façon carcinologique ».
L'arsenal chirurgical comprend également la prise en charge endoscopique palliative des cancers de l’œsophage et de l’estomac, qui consiste à rétablir la continuité digestive grâce à une prothèse métallique expansible. Cela permet de préserver l’organe et de conserver la qualité de vie du patient. Pour les experts réunis, « le chirurgien a une voix au chapitre, de l’étape diagnostique aux traitements curatifs du cancer en RCP. Il peut intervenir à toutes les étapes, en complément ou non d’un traitement anticancéreux ». Le Pr Johanet rajoute enfin qu’il n’existe « pas de solution idéale en médecine et que les patients préfèrent parfois prendre des risques pour conserver leur qualité de vie et donc garder leur organe ». Une approche intégrée, reposant sur une collaboration étroite entre tous les soignants, permet d’offrir une prise en charge personnalisée et optimale à chaque patient, à l’aide des nouveaux outils d’évaluation de la réponse au traitement. « Il y a des progrès et des perspectives avec les thérapeutiques anciennes et nouvelles », concluent les chirurgiens.
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