C'était peu après 23 h 30 hier, mercredi, qu'Élisabeth Borne a, une seconde fois, engagé la responsabilité de son gouvernement via l'article 49.3 de la Constitution, sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, cette fois sur l'ensemble du texte. La séance s'était déroulée dans une ambiance électrique. Pour l'heure, seuls le groupe LFI a déposé une motion de censure, qui devrait être examinée lundi prochain. Celle déposée sur la première partie du texte ayant échoué en début de semaine, la seconde devrait connaître un sort similaire.
C'est donc la version du PLFSS sur lequel le gouvernement engage aujourd'hui sa responsabilité qui a toutes les chances d'être transmise au Sénat la semaine prochaine. Le projet de loi a ainsi été complété par 150 amendements du gouvernement et de la majorité ainsi que quelques-uns des oppositions.
Quatrième année d'internat maintenue, statut d'observateur pour les maisons de santé
Malgré des appels à la grève des internes qui démarre ce soir, le gouvernement n'a pas reculé sur la réforme visant à allonger d’une année l'internat de médecine générale, une 4e année exclusivement en ambulatoire et principalement dans les secteurs fragiles. Cependant, un amendement de la majorité ouvre également la voie à une rémunération à l'acte pendant cette dernière année d'internat.
Sur le chapitre de l’accès aux soins, l'exécutif n'a retenu aucun amendement visant à imposer la coercition à l'installation. En revanche, il donne la possibilité via l'article 22 à l'Assurance-maladie et aux syndicats de médecins libéraux de définir, dans le cadre des prochaines discussions conventionnelles qui vont s'ouvrir à la fin du mois, « les conditions à remplir par les professionnels de santé pour être conventionnés, relatives à leur formation et expérience ainsi qu’aux zones d'exercice définies par l'ARS ». Le gouvernement a également complété cet article via un amendement permettant aux organisations représentant les maisons de santé d'être associées « en qualité d’observateurs » aux négociations interprofessionnelles les concernant.
Six mois de stabilisateurs supprimés
Un autre rajout de l'exécutif à l'article 22 dispose que la règle des six mois des stabilisateurs budgétaires – repoussant d'autant l'application de revalorisations d'honoraires négociées par les syndicats et la Cnam – ne s'applique pas pour un certain nombre de mesures qui ont vocation à figurer dans la prochaine convention. Il s'agit notamment des celles relatives au recrutement des assistants médicaux, à la participation à l’effection et à la régulation des soins non programmés et à l’installation et à l’exercice en zones à faible densité médicale ». « Au regard de l’urgence de leur déploiement, elles bénéficieront d’une entrée en vigueur immédiate », peut-on lire dans l'amendement.
Expérimentations des consultations avancées organisées par l'Ordre
Afin de favoriser l'accès aux soins, le gouvernement a retenu l'amendement de Philippe Vigier, député d'Eure-et-Loire (Modem) qui propose, à titre expérimental, pour une durée de trois ans aux conseils de l’ordre des médecins territorialement compétents d'
organiser obligatoirement des consultations de médecins généralistes ou
spécialistes dans les zones sous dotées dans un lieu différent du lieu d’exercice habituel de ces médecins. Outre la rémunération des actes médicaux, « ces consultations font l’objet d’un financement par le fonds d’intervention régional ».
L'encadrement de l'intérim étendu aux laboratoires de biologie médicale
Le texte du gouvernement a aussi repris un amendement de la députée Monique Iborra (Renaissance) qui étend aux laboratoires de biologie médicale l’interdiction de recruter en intérim des professionnels de santé « si les professionnels ne justifient pas d’une durée minimale d’exercice professionnel dans un cadre autre que des missions d’intérimaire ». Si cette interdiction n’est pas respectée, un autre amendement des députés « Socialistes et apparentés » prévoit des sanctions. D’autre part, l'encadrement du recours à l'intérim est désormais étendu aux établissements prenant en charge des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.
Padhue, IPA à l'hôpital
Un autre amendement de Renaissance retenu dans le PLFSS reporte au 30 avril 2023 la date limite de passage en commission nationale d’autorisation d’exercice (CNAE) des praticiens diplômés hors Union européenne (Padhue). Il permettra d’instruire l’ensemble des dossiers de demande d’autorisation d’exercice des praticiens qui relèvent de la procédure dite du « stock ». À noter que le report de la date butoir concerne les Padhue dont le dossier n’aura pas fait l’objet d’un avis de la commission nationale d’autorisation d’exercice (environ 1 500 praticiens).
En outre, un amendement du gouvernement autorise les établissements privés dits « ex-OQN » à facturer les actes et consultations externes (ACE) réalisés par leurs infirmiers en pratique avancée (IPA) salariés. Objectif : favoriser le déploiement de l’activité des IPA, notamment sur le champ des actes et consultations externes. Le gouvernement a également fait passer la prolongation jusqu’au 31 décembre 2035 du dispositif permettant aux médecins et aux infirmiers de travailler jusqu’à 72 ans dans les hôpitaux publics. Celui-ci aurait en effet dû prendre fin au 31 décembre 2022.
Économies de 250 millions d'euros des biologistes maintenues
Malgré les protestations, le gouvernement a maintenu le coup de rabot de 250 millions d’euros par an sur la biologie médicale pour 2023. Il a cependant retenu un amendement du groupe Horizons qui permet de définir, tous les ans, la liste des actes dont la hiérarchisation et les tarifs qui doivent être révisés lors de l’année suivante, « en fonction des priorités de santé publique et des écarts entre tarifs et coûts engagés ». L'objectif est de prioriser certains travaux du Haut conseil de la nomenclature, précise l'exposé des motifs, qui planche sur le toilettage des quelque 7 000 actes, dont certains n'ont pas fait l'objet d'une révision depuis la création des nomenclatures, en 2005.
Clarification sur les indus
Très critiqué par les libéraux de santé, l'article 44 permettant aux Cpam de calculer les indus qu’elles réclament en extrapolant les résultats de contrôles par échantillon a été légèrement amendé. Le texte précise que « le dispositif a vocation à s’appliquer dans tous les cas où la réglementation n’est pas respectée et non uniquement en cas de non-respect des règles de tarification ».